Résumé de l'intervention
M. PARENT.- Bonjour à toutes et à tous. Quand on travaille ensemble, on utilise souvent des façons d'échanger qui sont un peu toujours les mêmes (conférence, séminaire, réunion de 4 ou 5 personnes, réunion de famille). En même temps, il y a de nombreuses façons d'être ensemble que vous n'utilisez pas, un peu comme si vous étiez habitués depuis toujours à utiliser un certain nombre de lettres de l'alphabet.
En intelligence collective, la proposition est de travailler différemment de la façon dont on travaille d'habitude pour pouvoir faire autre chose, pour pouvoir aller autre part. Donc, je voudrais vous présenter trois façons de travailler différentes, qui permettent d'aller autre part et de travailler sur des choses différentes.
Premier mode de travail : le forum ouvert. Il a pour but de travailler sur des problèmes complexes. Un problème complexe est un problème sur lequel il y a beaucoup de parties prenantes, beaucoup de points de vue, où les positions des uns dépendent de celles des autres. Et surtout, il n'y a pas de solution toute faite.
Comment marche le forum ouvert ? En mettant toutes les parties prenantes dans la salle et en les faisant interagir ensemble pour trouver cette solution globale, c'est-à-dire toutes les typologies de gens et toutes les typologies de fonction.
En faisant travailler tout le monde sur une question centrale en mettant en place un processus parallèle et itératif avec une auto-organisation du groupe. Le résultat de ce format, c'est que sur une question centrale, 100 % des idées qui sont présentes dans la salle vont pouvoir émerger du groupe. 100 % des gens intéressés par chaque angle de vue vont pouvoir émerger également. Tous les sujets sont discutés. Tous les sujets sont documentés. Tous les sujets sont redonnés au groupe, pour qu'il puisse passer à l'itération suivante. Ensuite, des plans d'actions sont élaborés. Ce sont les résultats tangibles que donne ce genre de travail. Il y a également des résultats intangibles qui sont produits grâce à la masse d'énergie libérée, de volonté de coopération et de mobilisation.
Il y a un certain nombre de règles qui sont utilisées. Quatre principes, une loi et deux attitudes.
Les quatre principes sont les suivants.
• Les personnes qui se présentent sont les bonnes, c'est-à-dire les plus intéressées par le sujet.
• Ce qui arrive est ce qui pouvait arriver. On invite les gens à s'ouvrir à ce qui peut arriver, parce que les solutions et la créativité vont arriver par surprise.
• Cela commence quand c'est le bon moment. Cela veut dire que la créativité ne démarre pas à 10h15 du matin, si vous avez un atelier à 10h15.
• Cela finit quand c'est fini (avant ou après l'heure prévue au départ).
Une loi vraiment importante : la loi de la mobilité. Cela veut dire que vous pouvez changer d'atelier en cours de route. La loi de la mobilité encourage deux attitudes : l'abeille ; le papillon.
Cela permet que 100 % des participants d'un travail comme celui-là, à 100 % du temps, soit 100 % en train d'apprendre ou de contribuer.
On fait plusieurs rounds qui vont permettre au groupe d'évoluer, aux pensées de s'élaborer, aux personnes d'échanger et à la réflexion collective de se construire.
Il y a deux cycles : l'émergence et la convergence. Dans l'émergence, on réfléchit sur les idées. Dans la phase de convergence, on réfléchit sur les actions.
Quand on prépare ce type de format, on travaille toujours avec un comité d'organisation. Le comité d'organisation est conçu de façon représentative des gens qui seront dans la salle. Dans un format comme celui-là, les gens viennent parce qu'ils ont envie, parce qu'ils sont mobilisés par leur passion.
Le deuxième mode de travail que je pensais vous présenter, c'est : comment prendre une décision collective en incluant tout le monde ? Quand on décide, il y a plusieurs façons de décider : commander ; consulter ; voter. Il y a une autre forme, que nous avons utilisée ici, qui est le mode de décision par consentement, ou mode de décision intégrative. C'est un mode de décision très utile quand on a des enjeux forts, une complexité forte et surtout quand tout le monde doit approuver le résultat final, sinon le groupe ne part pas.
Comment cela se passe-t-il ? C'est un processus qui est un peu long et très pénible au début, parce qu'on a un apprentissage à faire.
Comment fait-on ? On part d'une proposition qui va être lue au groupe. Ensuite, on fait un tour de clarification. Ensuite, on a fait un tour de réaction. Il permet à la personne qui a fait la proposition de savoir comment sa proposition est accueillie par le groupe, ce qui manque, ce qu'il faut rajouter. Du coup, elle va, si elle le souhaite, modifier sa proposition et amener une nouvelle proposition. On va redemander si c'est clair.
Après, on va faire un tour d'objection, une objection n'étant pas une préférence. Ce qui est vraiment important, quand on fait un tour d'objection, c'est que l'on considère la personne qui fait l'objection, comme un cadeau, comme une antenne, quelqu'un qui a capté quelque chose que le reste du groupe n'a pas capté. Quelqu'un qui émet une objection n'est pas un "empêcheur de tourner en rond", c'est une ressource. C'est une richesse.
Deuxièmement, une fois que l'objection est posée, elle devient la propriété du groupe. Cela va être au groupe de lever l'objection. Cela va amener très certainement à encore modifier la proposition pour trouver le réglage qui va faire qu'à la fin, la personne qui avait une objection recevable, va dire "OK, je n'ai pas d'objection".
Cela se termine de façon assez magique, assez forte car le dernier tour d'objections est un tour où l'on entend successivement les gens dire : "pas d'objection », « pas d'objection », « pas d'objection », etc."
Évidemment, quand on fait ce travail, le résultat final appartient à tous sans appartenir à personne. Evidemment, tout le monde est un peu frustré, parce que tout le monde a dû faire des concessions, tout le monde aurait des préférences qu'il n'a pas pu avoir parce que c'était des objections pour les autres mais au fond, tout le monde peut vivre avec.
Dernière proposition de mode de travail : comment peut-on faire pour créer des conversations profondes et aboutir non pas à une bagarre digne Astérix le Gaulois mais à un face à face, avec une qualité d'écoute importante, du respect, de la bienveillance et aussi une prise de conscience.
En intelligence collective, on change les règles d'être ensemble, qui sont souvent des règles implicites ayant des propriétés émergentes et on va utiliser d'autres règles, explicites celles-ci.
Si on veut arriver à l'écoute, que va-t-on faire ? C'est le mode de travail que l'on appelle "le cercle" (qui peut être symbolique). Il commence par un tour d'inclusion visant à ce qu'au début de la réunion, chacun puisse dire quel est son état d'esprit. Cela va augmenter son niveau de présence. Cela permet aussi à chacun de savoir qui est autour de la table. Cela permet autour de la table qu'il n'y ait pas seulement nos déguisements professionnels mais aussi nos personnes en chair et en os, avec notre cerveau, notre cœur et nos tripes.
On va poser une règle : chacun parle à son tour et la parole ne passe à quelqu'un d'autre que quand le premier a terminé. Cela veut dire que l'on ne profite pas des temps morts pour se couper la parole. On peut le faire de façon pratique en faisant tourner un micro et le seul qui parle est celui qui a le micro. On peut aussi appliquer la règle de dire "j'ai terminé" quand on a fini.
Cela va amener un rythme différent dans l'échange. Il va y avoir des silences. Cela va amener une lenteur.
Quelque chose qui est important aussi dont nous avons parlé tout à l'heure, c'est ce qu'on appelle "parler au centre". Cela veut dire juste que quand je vais dire quelque chose, je vais « déposer ma contribution au centre ». Tout le monde va le faire et collectivement, on va construire un puzzle qui est le contenu de toutes nos pensées. Cela fait progressivement une construction collective où quelque chose apparaît. La différence de ce qu'on fait d'habitude, c'est que l'on joue au ping-pong. Là, on ne joue pas au ping-pong, on construire un puzzle ou un tableau impressionniste par petites touches et au bout d'un moment, le tableau apparaît.
Là aussi, on peut très bien avoir au centre des contraires qui coexistent. Dans la vie, cela existe. On ajoute, on n'enlève rien.
Et on peut se donner une règle de sauvegarde explicite qui est que tout le monde a le droit à tout moment de demander le silence. Quand cela arrive, à ce moment-là, on s'arrête de parler pendant 20 ou 30 secondes, puis. Une fois que c'est fini, la personne explique pourquoi elle a demandé le silence et on repart. Du coup, cela permet, si la qualité d'échange dans le groupe se dégrade,, de revenir et de garder cet esprit qui va nous permettre d'avancer de cette façon.
En résumé, les règles, c'est : écouter avec attention, parler avec intention, prendre soin du cercle (c'est la question du silence). Tout le monde est collectivement responsable de la qualité de notre parole et de notre écoute.
Il y a beaucoup d'autres façons d'être ensemble différemment :
• Le Pro-action café
• La démarche appréciative dans laquelle on va chercher à faire progresser une organisation, non pas en regardant et en essayant de régler ce qui ne va pas mais au contraire en portant notre regard sur ce qui marche et en cherchant à le développer. On sait tous que l'esprit humain crée ce à quoi il pense. Si on met notre attention sur ce qui va bien, naturellement, les choses vont aller mieux.
• Les élections sans candidat, en faisant autrement que dans un système dans lequel il y a une sorte de combat pour le poste ou le pouvoir. Cela permet d'élire des représentants qui ont une légitimité extrêmement forte dans un climat de bienveillance remarquable.
• L'holacracy, qui est un système intégré dans lequel on va mettre ensemble beaucoup de ces ingrédients pour construire vraiment un système de management des organisations de rupture, par rapport au système pyramidal.
En conclusion, pourquoi ces façons de travail me passionnent-elles ? Parce que je pense que beaucoup d'organisations sont en limite de fonctionnement et qu'une des raisons profondes, c'est que les règles, implicites ou explicites, qu'elles utilisent, ne fonctionnent plus. Pour aller au-delà, pour résoudre des problèmes profonds, il faudra agir différemment. Il faut se donner des règles différentes.
Ce que je trouve remarquable dans toutes ces nouvelles façons de travailler, c'est qu'elles résolvent les problèmes, et qu'en plusce sont des méthodes qui ont du cœur, qui amènent de la coopération, de l'attention aux autres, de la vigilance.
Pour cela, je trouve que ce sont de magnifiques méthodes pour aller là où l'on n'est jamais allé, et faire des choses que l'on n'a jamais faites.
Vous avez là un certain nombre de méthodes que vous n'avez peut-être jamais utilisées et qui vous permettront peut-être d'aller là où vous n'avez jamais été, où vous souhaitez aller.
Contact email : eric@awarenessconsulting.com
Résumé du débat