Résumé de l'intervention
M. ROCHET.- J'interviens aujourd'hui, à la demande de Geoffroy Bouvet, pour jouer un peu les provocateurs et si ma présentation devait n'avoir qu'un seul mérite, c'est celui de permettre d'ouvrir un débat entre la salle et tous les intervenants.
• Historique et réalité
Le transport aérien traverse, encore une fois, une période de turbulences dans son ensemble, marquée par :
➢Un ralentissement de l'économie mondiale ;
➢Une crise de financement ;
➢La forte hausse du pétrole ;
➢Une déstabilisation politique dans certaines régions.
Cependant, le marché du transport aérien est en croissance continue et ce, durablement, même s'il se déplace et que géographiquement, il n'est pas le même. Il oblige les compagnies (particulièrement celles de la vieille Europe) à s'adapter à ce qui est en train de se passer et qui va continuer.
Il y a eu une période où l'ensemble Air France-KLM a bénéficié de la fusion, des synergies, des effets de renouvellement de la flotte et d'une croissance qui lui était favorable et une période avec manifestement la flambée du pétrole, des plans d'économie peut-être pas assez affirmés, en tout cas publiquement, une crise économique et une croissance qui se ralentit avec un effet de ciseau que vous connaissez sur lequel des spécialistes financiers ont beaucoup plus de précision dans l'analyse.
Cela amène à poser une question un peu provocante : la croissance rentable est-elle une théorie? Si on veut tout faire partout simplement pour satisfaire aussi les égos de toute une entreprise, la croissance peut être rentable mais elle peut être dangereuse, elle peut se retourner.
En termes de création de valeur, le parcours du transport aérien n'est pas satisfaisant. Ryanair ou easyJet ont très bien résisté, voire plus, à la crise de 2008 et à la deuxième vague de crise que nous connaissons actuellement. Ils sont au-dessus de l'Euro Stoxx 50.
En dessous de l'Euro Stoxx 50, dans l'ordre : Lufthansa, British Airways, AIG et Air France.
Les conséquences pour le groupe se traduisent notamment, par le niveau d'endettement actuel du groupe. Le plus inquiétant, c'est que cela dérive et qu'on a laissé dériver.
Conséquence de tout cela et des propos que j'ai tenus sur la croissance, faut-il de la croissance et être en avant pour être rentable ? Au niveau du chiffre d'affaires, Air France se situe entre Lufthansa et British mais concernant le résultat d'exploitation, elle arrive en troisième.
Un changement significatif est donc nécessaire avec une priorité absolue: DIRE LA VERITE.
Quelles sont les limites de la croissance rentable ?
➢La taille intrinsèque du hub de CDG, sa proximité avec celui d'Amsterdam et son organisation (six plages de rendez-vous avec des pointes très fortes, donc des surcoûts très forts).
➢Les compagnies émergentes qui emploient la même stratégie qu'Air France, il y a 10 ans, avec des coûts compétitifs surtout en long-courrier/long-courrier, des aides, un produit et un service supérieurs.
➢Le coût de la protection des slots, notamment à Orly.
➢La complexité de la flotte long-courrier.
➢Le moyen-courrier avec le développement des concurrents (low cost notamment easyJet, TGV).
Face à cela, l'une des décisions d'Air France a été d'arrêter un certain nombre de destinations long-courrier et d'en transférer à Delta.
Le problème n° 1, c'est le moyen-courrier avec une perte d'exploitation de 700 millions en 2011 mais ce n'est pas une situation nouvelle, puisqu'il en était question déjà en 2005, puis en 2009.
Quelques observations sur les mesures que vous avez prises ou que vous êtes en train de prendre.
La création des bases régionales, selon moi, n'est qu'une façon de retarder le problème, face aux coûts d'easyJet.
Quid des filiales régionales ?
De plus, nos lois sociales constituent un lourd handicap par rapport à Lufthansa et à British Airways.
• Les perspectives et les enjeux
La tendance lourde du prix du pétrole est à l'augmentation.
Pour faire face à cela, il y a les nouvelles technologies (nouveaux avions moins gourmands, plus grands)... A condition d'avoir les moyens, car le remplacement d'une flotte est un investissement colossal.
Et surtout, il ne va pas falloir utiliser cette évolution technologique (cause externe) pour ne pas traiter les problèmes internes de fonctionnement, de performance. Vous verrez tout à l'heure ce que j'en pense.
Tout cela tourne autour de la capacité d'un groupe à se remettre en question et à se restructurer ; exercice extrêmement difficile. J'ai considéré que c'était une question d'énergie potentielle (ex. : British Airways en 2002 ; Iberia dans le moyen-courrier)
Je ne pouvais pas intervenir devant vous sans parler du poids social. Il y a forcément des points de vue très différents dans le corps social d'une entreprise. Le corps social, c'est trois pôles : la Direction ; les organisations représentatives ; et tout le personnel.
Le système social à la Française est en quasi-faillite, bien trop rigide. Il génère une incapacité à se réformer et l'empilement juridique est une règle absolue qu'il faudra bien remettre en cause.
Il génère une confusion entre rémunération et utilisation.
Il oblige souvent à rester en propre dans beaucoup trop de métiers.
Il mobilise en interne des moyens considérables, lourds, coûteux en juristes, DRH, etc.
C'est un modèle où il y a beaucoup de droits et peu de devoirs. Donc, il est déséquilibré. Il faut rétablir l'équilibre.
Le principal handicap de ce modèle, c'est qu'il encourage l'absence d'un langage clair. De peur de choquer, on ne dit pas la vérité ; on l'habille ; au mieux, on la repousse ; au pire, on la nie. Si on reste sur ce constat, il n'y a pas d'avenir. Il va bien falloir d'une façon ou d'une autre, s'attaquer à cette problématique et trouver des solutions.
Pour se résumer, quelques handicaps d'Air France.
➢Le hub à CDG. Il est probablement à saturation du marché. Qu'en faites-vous ?
➢La sauvegarde des slots.
➢Flotte long-courrier trop complexe.
➢Organisation de vos filiales régionales surprenante.
➢L'illusion des bases Province.
➢L'utilisation de l'Etat pour se protéger (de moins en moins vrai).
➢Et cette prise de position sur la réalité de la situation.
Vous avez des atouts pour ces handicaps.
➢La position centrale de Paris.
➢Le marché autour de nous.
➢La marque France qui constitue quelque chose de magique.
➢Votre fusion Air France-KLM
➢Une position très forte en Afrique.
➢Votre programme FFP : très puissant et très reconnu. Peut-être faut-il en faire plus?
➢Skyteam : une des plus grandes alliances.
➢Paradoxalement, vos marges de progrès.
En conclusion, croissance rentable : oui, bien entendu, à condition de ne pas se bercer d'illusions sur ce que c'est. D'où l'importance du contrôle et de la baisse des coûts pas uniquement externes, mais internes aussi.
Le prix du carburant n'est pas ajustable. C'est le marché du pétrole qui décide pour nous. La sécurité des vols n'est pas négociable. Le financement des actifs est un rendez-vous incontournable pour tout acteur du transport aérien.
Les pistes :
➢Nécessité d'être au carrefour de ces contraintes.
➢Savoir innover.
➢Entreprendre.
➢Justement communiquer.
➢Ne pas se cacher derrière la protection conservatrice des fonctionnements actuels. Il faut remettre en cause toute la maison, dans toutes ses tripes et ses entrailles, parce qu'elle est capable du meilleur.
Je suis profondément convaincu qu'Air France-KLM a aujourd'hui les ressources pour se sortir de cette impasse. Elle en a les ressources internes et intellectuelles, les ressources analytiques nécessaires mais c'est au prix de deux choses, les conditions nécessaires.
Premièrement, le langage de la vérité, de la vérité claire. On ne tourne pas autour des problèmes.
Deuxièmement, savoir se fixer un tempo et des échéances. Si vous avez des calendriers, si vous les respectez, vous vous en sortirez. Si vous posez un problème, comme vous l'avez posé en 2005 et que sept ans après, il n'est toujours pas réglé, là, clairement, il y a danger. Merci.
Contact email : marc.rochet@aerogestion.fr
Résumé du débat
M. BOUVET.- Mme Pairault-Meyzer disait : "En 1993, on a fini par se réorganiser et tout le monde a accepté cette réorganisation, parce qu'il y avait un projet". Ce qui est proposé aujourd'hui qui n'est qu'un plan d'économie peut-il se suffire à lui-même sans projet ?
M. BAMBERGER.- Le modèle hub and spot sur de la correspondance long-courrier ou moyen-courrier, selon nous, est un modèle qui existe et qui va perdurer. C'est un modèle extrêmement fort mais qui doit être compétitif.
Sans doute qu'à la marge de ce modèle, au sein du groupe, il y a aussi du point-à-point moyen-courrier qui existe. Il y a un certain nombre d'autres réseaux qui existent et j'imagine que des questions peuvent se poser. La capacité avec le même outil de production de répondre à différentes exigences de différents modèles est toujours un exercice compliqué.
M. ROCHET.- Je ne nie pas la notion de hub. Je dis simplement qu'un hub, à un moment donné arrive à la quasi-saturation de la zone de chalandise qu'il peut gérer et où les organisations de hub bien qu'attractives doivent réagir face à la dérive des coûts au sol.
Par ailleurs, je n'ai pas du tout recommandé la sortie du moyen-courrier, au contraire. J'ai simplement dit trois choses.
Premièrement, pour la santé future d'Air France, pour ses emplois, pour ses personnels et même pour avoir une ambition, c'est un problème qui ne peut pas être repoussé indéfiniment. Il va falloir le traiter.
Deuxièmement, à l'exemple des compagnies américaines, il faut une refondation totale de la notion de service, de la notion de branding, de la notion de coût au sol, dans un tempo, dans un laps de temps donné, en n'hésitant pas à remettre à plat de nombreux sujets.
Troisièmement, je ne suis pas non plus convaincu qu'il faille rester sur l'ensemble du secteur moyen et court-courrier. On ne peut pas être partout présent sur ces micro-réseaux.
M. SPINETTA.- D'abord une remarque préliminaire, mais je pense que tout le monde l'a compris : il y a des sujets sur lesquels je ne peux pas m'exprimer aussi directement que je le souhaiterais, parce que mon rôle n'est plus le même.
Sur le moyen-courrier, Air France-KLM perd 700 millions d'euros en 2011, dont 530 millions à Air France. Il y a un problème du transport aérien régional qu'il faut traiter sérieusement mais on voit bien que l'essentiel des pertes, ce sont les pertes sur le réseau d'apport au hub de Roissy avec le réseau et les avions d'Air France.
Les pertes du réseau point à point domestique peuvent et doivent être effacées très rapidement. Orly est et restera l'aéroport des réseaux point à point domestiques français, plus quelques liaisons européennes également. C'est un atout structurel considérable pour le groupe Air France. Il n'y a vraiment aucune fatalité, je dirais même aucune raison, pour que notre réseau point à point au départ d'Orly ne soit pas bénéficiaire rapidement, grâce à quelques mesures à prendre.
L'objectif qui a été fixé au groupe par le conseil d'administration dans la restructuration du réseau court/moyen-courrier, c'est d'aboutir à un équilibre d'ici trois ans, 2014. Si cela peut être le cas avant, nous ne nous en priverons pas.
Il n'y a pas, dans ces domaines, de fatalité. Il ne faut pas vivre avec l'idée que l'on est en face d'une espèce de fatalité qui pèse sur nous, qu'il n'y a rien à faire.
Je pense que cet objectif de remettre ce réseau à l'équilibre est tout à fait atteignable.
Je crois que le modèle du hub reste tout à fait pertinent en veillant, bien sûr, aux coûts de traitement notamment au sol.
La logique du hub, en complétant un marché local par des réseaux d'apport, c'est :
➢La capacité d'opérer 5 à 6 fois plus de destinations long-courrier (fortement créateur d'emplois).
➢La capacité d'opérer avec des avions de taille importante et en conséquence de réduire fortement les coûts au siège et améliorer sa rentabilité.
Nous avons une centaine d'avions long-courrier à Air France. Quand on a 100 avions, les problèmes ne sont pas tout à fait les mêmes que quand on a une flotte plus restreinte. Chaque type d'avion sert pour des secteurs d'exploitation importants avec des économies qui en résultent.
Comme sur toutes les flottes, les rationalisations de flotte s'étalent sur 20 ou 30 ans. Donc, par définition, il y a des types d'avions qui se superposent mais je crois qu'un des grands atouts d'Air France, c'est la qualité de sa flotte, son efficacité énergétique et les coûts au siège qu'elle génère, notamment grâce à une flotte de 777-200 et 300 extrêmement importante et un avion de plus petite capacité, l'A330.
Une compagnie comme Air France, compte tenu de son modèle économique (Air France et KLM) d'une organisation en grandes plateformes de correspondances mondiales (Amsterdam et Paris), ne peut pas ne pas être présente fortement sur le court et le moyen-courrier.
À partir de là, la question est : sommes-nous capables de le faire dans des conditions de coûts qui ne viennent pas pénaliser l'ensemble de l'entreprise ? Si nous ne sommes pas capables de le faire, inévitablement, se poseront des questions que l'on peut exposer d'un point de vue théorique d'une manière tout à fait simple. Comme doit-on le faire ? Le faisons-nous, nous-mêmes à nos coûts actuels ? Ce n'est pas possible. En réduisant nos coûts ou si l'effort est trop difficile pour des raisons X, il faudra le faire à travers des partenariats.
Si nous sommes capables de réduire nos coûts internes, on voit bien que l'on est capable de ré-internaliser chez Air France un certain nombre d'activités.
Nous sommes obligés d'être présents sur ce secteur. À mes yeux, on ne peut pas quitter ce secteur du court/moyen-courrier. Nous devons y être présents de manière forte, comme nous le sommes aujourd'hui, peut-être un peu moins. On peut peut-être mieux utiliser nos avions, être plus productif mais en termes d'activité, cela doit rester quelque chose d'à peu près équivalent.
Donc, la question est : est-ce en interne, au travers des efforts de tous ? Ou si ce n'est pas possible, il faudra que ce soit fait par d'autres. C'est aussi simple que cela. Ou alors ce serait, pour l'entreprise Air France-KLM, un véritable drame économique.
Si on n'est pas capable de le faire en interne et on n'a pas le droit de le faire en externe, donc, on ne le fait plus et je ne sais pas où l'on va du point de vue du modèle économique et du point de vue de l'avenir de l'entreprise à court terme. Ce n'est même pas à moyen terme, c'est à court terme. C'est une exigence. Je ne vois pas comment on peut ne pas le faire.
Mme PAIRAULT-MEYZER.- Je suis persuadée qu'il y a beaucoup de scenarii et d'études dans tous les dossiers d'Air France, et qu'ils ont été utiles.
Au fond, nous savons tous qu'il y a des efforts à faire, qu'il va falloir les réaliser avec les organisations syndicales. J'ai compris l'ensemble des pistes que vous mettiez en avant et sur lesquelles les dirigeants d'Air France raisonnent. Mais, peut-être les choses ne sont peut-être pas aussi claires et connues de tout le monde.
Je pense que nous avons énormément changé par rapport à 1993. Aujourd'hui, il est difficile de distinguer les résultats du groupe Air France-KLM, de ceux de la société Air France.
L'ensemble des mesures auxquelles on fait appel en ce moment, vont plutôt concerner la société Air France. On sait bien qu'en termes d'emploi, il y a plusieurs variables. Je me demande si on n'aurait pas intérêt, comme vous le faites au milieu de votre discours, à identifier, ce qui est de l'avenir avec Air France-KLM, et ce qui concerne la part d'Air France dans ce projet.
Je ne sais pas s'il faut reparler du hub, de la flotte mais j'ai entendu parler du moyen-courrier. Comment l'envisager ? Quelles sont les mesures d'adaptation ?
Je pense que c'est toujours compliqué quand il y a des équipes qui travaillent d'un côté sur un projet et d'autres qui travaillent sur des mesures d'économies qui paraissent évidentes. Il faut bien le faire mais les deux ne se rejoignent pas nécessairement. Il y a une gestion du temps qui demeure délicate, quand on dissocie les deux équipes au même moment.
En termes de communication et de gestion du temps, ce sont bien les salariés et les organisations syndicales d'Air France qui sont concernés. Comment donc les mettre dans la perspective du groupe ?
M. SPINETTA.- Je n'ai peut-être pas suffisamment parlé du projet. Apparemment, Mme Pairault-Meyzer pense que je n'en ai pas du tout parlé. C'est un peu volontaire. Bien sûr qu'il y a un projet mais il y a une urgence. Je ne voudrais pas que les débats sur le projet nous détournent de l'urgence qui est celle de restaurer notre situation économique et financière. Il y a urgence là-dessus. La situation n'est pas grave mais elle est sérieuse.
Mme PAIRAULT-MEYZER.- Le pronostic vital est-il engagé ?
M. SPINETTA.- Non, mais si on ne fait rien, oui, il le sera très vite.
Quand on a investi en trois ans, 6,5 milliards, que l'on a généré un peu moins de 2 milliards d'autofinancement et que l'on s'est endetté de 4 milliards, si on continue une ou deux années de plus, cela devient gravissime. Il faudra arrêter les investissements.
LA priorité, c'est de restaurer la situation économique et financière du groupe Air France-KLM et notamment de la société Air France. Nous sommes dans une situation difficile.
Nous sommes scrutés par l'ensemble de la communauté financière qui regarde si on va faire ce qu'on a dit que l'on ferait, c'est-à-dire : réduire nos coûts de 10 % ; réduire notre endettement de 2 milliards en trois ans et restructurer notre réseau court/moyen-courrier qui pèse comme un fardeau sur l'ensemble du groupe. Voilà les trois engagements majeurs.
Il y a urgence à réduire nos coûts, à améliorer les choses et à le faire, je l'espère, de manière contractualisée avec l'ensemble des acteurs sociaux de l'entreprise. Il faut préserver l'emploi, la stabilité des choses et ré-offrir un avenir à tous, un avenir durable et stable.
Evitons les faux débats comme : "il n'y a qu'à augmenter la recette" ou "je ferai des efforts si les autres commencent à côté".
Disons-nous plutôt : "je vais commencer à faire des efforts, comme cela tout le monde suivra".
M. DUBOURG.- J'ai vu sur un transparent que le pétrole pouvait être à 120 dollars le baril. Je me projette au-delà de 150 dollars. Le transport aérien sera-t-il capable de faire face à ce genre de hausse du pétrole ?
M. ROCHET.- En préambule, compte tenu de ce que vient de dire le président Spinetta, Air France a les ressources pour trouver des solutions. La pression doit être mise sur le temps, sur la réalité des objectifs à atteindre et sur le langage de vérité.
Pour répondre à votre question, paradoxalement, je pense que si le cours du baril montait au-dessus de 150 dollars, cela poserait, certes, un problème majeur aux compagnies aériennes mais je ne suis pas sûr non plus que ce soit un handicap fatal. Il y a des niveaux où le transport aérien s'arrêterait ou n'existerait quasiment plus.
Premièrement, c'est une chance quand même "d'opportunité". Tout le monde sera traité de la même façon.
Deuxièmement, il y a quand même des avions à l'horizon 2016-2017 dont on sait qu'ils sont capables grosso modo de consommer 15 à 25 % de moins. C'est un avantage important.
Troisièmement, cela nous obligera à revoir considérablement le modèle de desserte. Ce sera sans doute une remise en cause profonde, lourde, notamment de tout ce que l'on a construit autour des fréquences.
M. BAMBERGER.- C'est plus le thème du rythme et de la variation que celui du niveau qui pose vraiment des problèmes forts.
M. ROBARDET.- (Deuxième INTERVENANT) On peut se poser la question de ce qui va se passer dans les prochaines semaines à Air France. S'il n'y a pas d'enjeu stratégique, comment les partenaires sociaux et les agents vont-ils pouvoir comprendre les mesures qui sont demandées à chacun ?
Je pense qu'on est loin de la transparence. Je ne suis pas sûr que l'entreprise (aussi bien les dirigeants que les salariés, que les organisations syndicales) soit prête à cette transparence qui serait, a priori, nécessaire. Je m'interroge sur la volonté réelle de l'entreprise d'y souscrire.
Comment les salariés demain vont-ils pouvoir comprendre ce qui se passe s'il n'y a pas la stratégie et s'il n'y a pas la base de départ ? On leur dit simplement qu'il va falloir faire des économies.
Si, nous élus au CCE ou représentants, nous ne percevons pas ce qu'il y a derrière tout cela, comment les agents vont-ils pouvoir le percevoir ? Il y a un réel effort à réaliser de mettre en accord de part et d'autre de la table, ce que l'on dit et ce que l'on fait.
Mme PAIRAULT-MEYZER.- C'est compliqué. Les élus du CCE ont l'information : comme elle est fournie en assemblée générale d'Air France-KLM. Celle de la société Air France reste confidentielle.
Il s'agit de se demander quel est le rôle de chacun. Les élus ont l'information. Les organisations syndicales ont l'information si elles veulent la trouver. Jusqu'où les organisations syndicales peuvent-elles aller ? Est-ce aux organisations syndicales à faire toute la communication vis-à-vis des salariés ? C'est une question. On sait que c'est difficile.
Si j'attends de mon président et des directions qu'elles regardent les choses en face, je vais vous dire la même chose à vous, organisations syndicales. Si ceux qui ont des responsabilités syndicales ne font pas ce qu'ils pensent profondément être devoir fait et s'ils se posent la seule question de leur réélection aux prochaines élections, ils ne vont pas y arriver car ils vont faire un grand écart qui va être très difficile à vivre.
On sait tous qu'il y a un problème sur les coûts. Il faut y travailler. Je pense que c'est quand même plus simple quand on tombe d'accord sur un projet. Cela ne fait pas perdre du temps, même si ce projet, quel qu'il soit, n'est effectivement pas à remettre en cause.
Question.- Ma préoccupation, c'est l'emploi. Or, on a perdu 12 800 emplois d'après un petit calcul.
Quand j'entends le président Spinetta dire "soit on fait quelque chose sur le moyen-courrier et on l'a bien compris, c'est réduire les salaires– soit, on va à l'extérieur", j'ai l'impression que l'on va à contre-courant de ce qui se passe dans la société, actuellement, avec le "made in France". Je réclame le "made in Air France".
Question.- Pensez-vous réellement qu'Air France s'en sorte avec tous ses salariés ou la véritable question est-elle de savoir comment on va pouvoir traiter les sureffectifs ?
M. ROCHET.- C'est la question de fond. Oui, j'ai la conviction fondamentale qu'Air France peut s'en sortir avec l'ensemble de ses personnels.
Premièrement, je pense que la notion de vérité et de responsabilité est fondamentale.
Sur le processus et sur ce que vous demandez qui est légitime, de protéger l'emploi, je pense qu'il y a deux priorités absolues.
➢Restaurer les équilibres financiers et tout ce qui se dit derrière en matière de besoin de refinancement des flottes, des besoins de croissance et autres. C'est l'exigence de l'environnement. Cette question est incontournable.
➢Le faire de la façon la moins douloureuse possible ou la plus accompagnée possible (demande légitime des représentants du personnel).
Dans la plupart des entreprises, ce sont des problèmes que l'on n'ose pas vraiment mettre sur la table.
Deuxièmement, l'entreprise a, aujourd'hui encore, des moyens financiers qui lui permettent d'accompagner des traitements corrects de certains cas individuels ou de certains cas de professions qui peuvent être mis en cause (exemple : les PN).
Troisièmement, là où je ne suis pas tout à fait en ligne avec vous, c'est sur le fait que les métiers doivent rester dans Air France sans être adepte pour autant à des solutions de sous-traitance à tout prix.
Néanmoins, tout le monde doit-il être dans la même structure sociale, dans les mêmes règles de fonctionnement, dans les mêmes habitudes, dans les mêmes poids hiérarchiques, voire dans les mêmes hiérarchies ? La question est posée.
Je n'ai pas dit que j'avais une réponse miraculeuse mais je ne suis pas sûr, pour prendre l'exemple du moyen-courrier (n'y voyez pas une solution, je n'ai pas les éléments pour le faire), que c'est forcément quelque chose qui doit s'appeler Air France.
Plus grave encore que le social : avoir les mêmes directeurs opérationnels qui coiffent l'ensemble. Je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure des réponses.
Vous avez des filiales très régionales. C'est sans doute là aussi le mauvais exemple : cela a été trop loin. Il y a sans doute une piste à creuser en regroupant les activités subrégionales. On ne parle pas du moyen-courrier. On est dans le régional/régional.
Ma réponse, c'est : adaptez-vous, sinon effectivement, les conséquences, contrairement à vos objectifs, seront plus dramatiques que cela mais sur l'ensemble de l'activité, il y a du boulot. Air France a encore des parts de marché à l'international qui lui permettent de faire de la croissance. Encore faut-il qu'elle sache s'adapter.
Vous avez des voies d'exploration, mettez-vous autour de la table.
C'est vrai que l'on a toujours une restriction à l'information, à la transparence. Je considère qu'il n'y a pas de solution idéale. Si l'on dit trop de choses, il est clair que c'est dans les médias dès le lendemain. Si on n'en dit pas assez, les gens doutent de votre capacité à faire passer les messages et à les faire comprendre.
La position que j'ai prise, c'est plutôt d'être assez franc et direct, de poser les vrais problèmes. Chacun est alors face à ses responsabilités.