Deux exemples illustrent la capacité de Ryanair à exploiter les subventions publiques et à faire du dumping social.
I) Le procès oublié : coup de force à Bruxelles
A l’automne 2007, les policiers belges frappent à la porte de Promocy, filiale à 100% de Ryanair, au 26 Duke Street, Douglas, sur l’Ile de Man, un paradis fiscal à portée de main, entre l’Irlande et l’Angleterre. A la place d’un siège opérationnel, ils découvrent une simple boite aux lettres avec une employée, des fausses factures et des réécritures comptables.
La justice belge suspecte des aides européennes illégales sous couvert d’accords de promotion commerciale au détriment de la région wallonne : les dirigeants de Ryanair sont inculpés. Malgré le caractère douteux du contrat, les preuves d’infraction et l’audace du juge, le chantage à l’emploi de Ryanair au cœur d’une Europe dérégulée conduit au gel du dossier en 2016. La demande de renvoi devant un tribunal en 2014 s’est perdue...
II) Les pilotes au camping : coup de force à Marseille
En 2010, les policiers français interpellent un commandant de bord débarquant de son B737 de Ryanair. Inconnu auprès de la Caisse d’Allocations Familiales des Bouches-du-Rhône ou de l’Urssaf, il avait utilisé sa carte d’abonnement au parking de Marignane à 173 reprises en 2007 et à 175 reprises en 2008. Il révèle que son salaire est versé sur un compte irlandais, sans cotisations pour sa retraite, et qu’il acquitte ses impôts en Irlande. Son contrat est rédigé en anglais.
Le premier jugement à Aix-en-Provence condamne Ryanair à payer 10 millions d’euros pour travail dissimulé. La riposte s’organise aussitôt, mais les autorités françaises insistent et la condamnation est confirmée en appel : Ryanair est condamné à verser 8,3 millions d’euros de dommages et intérêts.
Dans cette histoire sans morale, Ryanair finit par héberger son personnel navigant au camping : ce dernier n’étant pas un lieu permanent d’habitation, elle peut affirmer que ses pilotes n’ont pas de base d’affectation en France.
En conclusion, ce gel des procès est inquiétant : il témoigne des failles de la justice et donc de l’Etat, corollaire de la montée des populismes.
Philippe Engels renvoie chacun à sa responsabilité de citoyen et d’acteur en combattant les symboles d’un système économique ultralibéral à l'image de celui de Ryanair et en défendant la dignité du travail.