Résumé de l'intervention
M. DE JUNIAC.- Vous avez souhaité que je vous expose quelle était la vision du groupe sur l'évolution de ses métiers à horizon entre 3 et 5 ans, compte tenu de la situation dans laquelle nous sommes et de ce que nous pouvons anticiper du marché. D'abord où en sommes-nous en termes de situation compétitive, d'enjeux économiques et de positionnement concurrentiel ?
En termes de situation compétitive, après Transform, fin 2014/début 2015, notre situation compétitive sera revenue à une moyenne européenne.
Est-ce que cela suffit ? Probablement non, pas complètement. Pourquoi ? Parce que nos concurrents continuent d'avancer, surtout les compagnies du Golfe, les compagnies asiatiques ou même américaines, notamment sur le long courrier.
Les Européens, au niveau desquels nous sommes revenus, peuvent-ils mener la course contre les grandes compagnies asiatiques et les grandes compagnies du Golfe, voire les Américains ? Si on ne fait rien, la réponse est non. Si on fait quelque chose, la réponse est oui.
Notre situation économique, en 2015, devrait être revenue à un résultat net positif, qui nous permettra globalement de rémunérer notre capital, tout juste convenablement. Par ailleurs, nous aurons retrouvé une situation d'endettement supportable pour le Groupe, même si elle sera encore très sensiblement supérieure à celle de nos deux concurrents européens (IAG et Lufthansa).
Ces performances nous remettent à flot, nous donnent les moyens de financer notre développement mais ne nous mettent pas dans une situation particulièrement exceptionnelle par rapport aux autres.
Le gros avantage d'avoir fait Transform, c'est d'avoir convaincu l'ensemble des salariés que le changement était une nécessité et pas une menace. J'aimerais vous convaincre aujourd'hui que le changement est une opportunité et que ne pas changer, c'est vieillir et mourir. Il faudra continuer à changer et c'est bien. Notre avenir est plutôt dans notre capacité à continuer à changer au moins aussi vite, voire plus que les autres.
Où en est notre positionnement commercial à l'issue de Transform ? Nous aurons bien entamé chez KLM et chez Air France, la remontée en gamme de nos produits. Il faut y associer un service très haut de gamme basé sur nos traditions et nos savoir-faire. Cela veut dire pour nous une exigence d'excellence absolument parfaite partout et dans tous les domaines. C'est une véritable évolution, une discipline culturelle, managériale, de services, permanente, constante et rigoureuse. Et il y a encore du travail pour les deux compagnies.
Concernant le court/moyen-courrier, les choses me paraissent assez claires. Sur notre marché continental européen, je ne vois pas beaucoup d'autres issues que d'avoir de grandes compagnies, ayant des réseaux d'alimentation de leur hub et quelques grandes routes sur lesquelles il y a du trafic Affaires. La partie du trafic loisir, dont je vous rappelle que c'est la seule partie qui croît de manière profitable en Europe, doit être plutôt laissée à un secteur low cost, en pleine expansion.
A côté de notre réseau d'alimentation et de nos grandes radiales qui alimentent notre réseau long-courrier à Schiphol et à CDG, nous avons besoin d'un réseau qui s'adresse aux marchés point-à-point, court et moyen-courrier. C'est absolument essentiel pour que les voyageurs soient habitués à voyager avec le groupe, à venir sur nos sites et à consulter nos offres. Nous devons conserver nos réseaux d'alimentation du hub et les grandes radiales sur lesquelles il y a du trafic Affaires, qui nous permettent d'alimenter notre long-courrier ou de fidéliser les grands contrats firmes, qui nous font vivre, puisque c'est cela qui nous donne nos marges.
Que veut-on faire sur le passage dans ces deux domaines long-courrier et court/moyen-courrier ?
Dans le long-courrier, il faut continuer cette montée en gamme du produit et il faut former nos personnels et les amener, que ce soit au sol ou en cabine, à la gestion de l'excellence et du service. C'est un projet sur plusieurs années. C'est un projet permanent. Ne sous-estimez pas son importance. C'est un énorme investissement. Il ne vaudra aussi que parce que les personnels seront convaincus et disposés à donner le meilleur d'eux-mêmes pour ce service.
Sur la partie développement du long-courrier, je crois qu'il y a plusieurs sujets.
Premièrement, comment développer le long-courrier ? En concluant un ou des partenariats avec des partenaires internationaux (Delta, GOL, Copa, c'est fait), et un ou deux asiatiques ou un du Golfe et un asiatique. La politique de partenariat me paraît être une condition quasi nécessaire. Parce qu'adresser des marchés aussi divers ou grands que la Chine, le Japon, l'Asie du sud-est sans partenaire avec un ancrage local, cela me paraît difficile.
Deuxièmement, comment faire en sorte de rendre les nouvelles lignes rentables et compétitives rapidement ? Car, notre capacité de croissance à coûts 2015 post-Transform inchangés, est de 1 %, 1,5 %, 2 % par an, contre 4, 5 ou 6 % pour le trafic mondial. Il va falloir trouver, avec vous, d'ailleurs, le pacte social à conclure pour permettre à notre croissance long-courrier d'être plus élevée que 1 ou 2 %.
Où faut-il être plus compétitif pour continuer à croître au moins au niveau du trafic mondial et, espérons, un peu plus vite ? Je pense qu'il faut nous préparer à cette discussion qui est intéressante, d'ailleurs. Quelles sont les conditions pour avoir en Europe, un géant mondial capable de capter des marchés mondiaux à un rythme au moins équivalent à celui du marché mondial ? Faut-il faire des efforts de productivité et/ou de qualité ? Comment bâtir cet espace de pacte social sur les 5 ou 7 prochaines années ?
Sur le court et moyen-courrier, nos deux hubs continuent à être alimentés par nos grands réseaux. Il faut veiller à la compétitivité de nos hubs, à nos coûts, à la qualité de nos produits. Nous avons engagé, notamment dans la partie Air France, une amélioration du produit que nous offrons notamment pour les classes Affaires. Je vous rappelle que c'est le cœur de nos marges.
Beaucoup de spécialistes de l'aérien considèrent que l'arrivée des nouveaux avions 787 et 350 rendent les hubs un peu plus problématiques, parce que les avions ne sont pas chers à exploiter, donc permettent des liaisons directes avec des villes secondaires. Nous serions criminels de ne pas nous poser la question de savoir si nos hubs sont bien organisés, s'ils fonctionnent bien, s'ils répondent bien à la demande, etc. Dans le fonctionnement de nos hubs encore cela vaut surtout pour CDG–, nous avons énormément d'efforts à faire dans l'amélioration du hub, en matière d'utilisation des correspondances. Le hub est très mal classé (dernier) malgré les efforts accomplis...
En matière de court et de moyen-courrier, sur le point-à-point, je pense que l'avenir est plutôt aux low cost. Nous avons donc intérêt à avoir notre propre low cost (Transavia) et à très vite la développer pour qu'elle offre un réseau comparable à celui d'easyJet. Les places sont chères. Elles sont à prendre maintenant. Déjà, je trouve que nous partons avec un peu de retard.
Dans le fond, je voudrais donner à Transavia des différenciateurs importants qui résultent de son appartenance au groupe Air France-KLM :
• Le fait de brûler les miles. Faudra-t-il donner la possibilité de gagner des miles ? Quid des bas tarifs d'Air France et de KLM ? En tout cas, il faut se poser la question.
• Nos services de recovery de type re-booking, re-routing, envoi d'un avion de secours éventuel.
• Un signe de qualité, pour dire que Transavia s'adresse à un segment plutôt haut de gamme du low cost avec l'arrière-pensée, je pense un jour, de pouvoir contrer easyJet dans le fait de détourner notre clientèle Affaires.
La maintenance est un secteur en croissance et profitable, notamment sur la partie "équipements" et sur la partie "moteurs". La partie "grandes visites", comme vous le savez, n'est malheureusement pas compétitive. Je pense qu'il faut en garder dans les deux maisons, car il est absolument essentiel que nous sachions réaliser cette grande visite. Si tout était donné à l'extérieur, nous serions totalement dépendants de l'organisation d'un opérateur extérieur, ce qui pourrait mettre notre flotte par terre. Cela dit, il faut bien se rendre compte que nos taux horaires sont à peu près au triple du marché. Le domaine de la grande visite, de la révision avion, n'est pas un domaine dans lequel nous allons développer notre activité.
En revanche, il y a deux domaines dans lesquels il faut investir à toute vitesse, ce sont les équipements et les moteurs. Nous avons investi en interne dans les moteurs. Nous avons des ateliers "moteurs" qui savent tout traiter du petit au grand moteur. C'est un très bon business que nous développons en allant chercher chez les compagnies étrangères, les contrats de maintenance.
Sur la partie équipement, il y a aussi beaucoup d'investissements à faire, notamment par acquisitions. C'est un marché fragmenté où il y a beaucoup de stations de réparation ou de shops dans les Airlines qui sont prêts à outsourcer. Je pense qu'il faut acheter. Il faut qu'on se mette près de nos Airlines clients, quitte à renvoyer tout ou partie de la réparation ou de la maintenance dans nos ateliers européens et en faire une partie sur place, puisque c'est ce que demandent nos clients pour ne pas immobiliser leurs avions.
Dans ce secteur de la maintenance, vous verrez dans les années à venir une croissance forte et un développement notamment fondé sur les investissements et pas mal d'acquisitions. Le sujet pour nous, le challenge, c'est l'exécution. Je ne m'étends pas sur la maintenance, car il n'y a pas du tout d'inquiétude sur ce sujet.
Concernant le cargo, c'est le secteur encore en difficulté de la maison, à côté du secteur point-à-point. C'est ce qui a justifié, pour Transform, la mise en œuvre de mesures complémentaires en septembre dernier. C'est un secteur où, pour l'instant, nous ne voyons pas de sortie du tunnel dans lequel nous sommes rentrés depuis 2008, en raison de surcapacités encore considérables ; d'une atonie du commerce mondial et des progrès du maritime.
C'est pour cela que nous avons engagé un plan de réduction de la flotte du tout cargo, pour passer à 10 avions tout cargo (8 à Schiphol, 2 à Paris) à l'horizon 2015. Je pense que ce n'est pas suffisant et qu'il faut baisser encore très significativement la flotte tout cargo. Cela pose ensuite deux questions.
• Conserver une flotte tout cargo dans le groupe ou se contenter de faire appel à des capacités tout cargo extérieures ? La réponse n'est pas évidente.
• Comment valoriser le business des soutes ? Pour l'instant, nous n'avons pas de réponse très convaincante dans un sens ou dans l'autre, à ce sujet.
Dans les semaines ou mois qui arrivent, nous serons amenés à vous proposer une réduction supplémentaire de nos capacités tout cargo, car nous ne voyons pas d'issue, pour l'instant, ni de retournement significatif de cette activité.
J'aurais préféré vous dire le contraire, mais je pense qu'il faut le faire, parce que nous ne pouvons pas tolérer dans le Groupe, d'avoir une activité qui soit trop fortement déficitaire. Nous sommes face à un dilemme important mais qui va plutôt vers la réduction de nos capacités tout cargo.
Je voudrais conclure par deux choses :
• Quand la compagnie Air France-KLM s'est mise au travail, cela a marché. C'est en train de marcher. Cela marche !
• Nous avons un besoin impératif d'aller plus vite et d'être plus agiles. Sinon, nous allons mourir tranquillement pétrifiés dans nos habitudes et nos certitudes.
Je vous en supplie, cela s'adresse à tout le monde : il faut aller plus vite. Nos deux types de concurrents, que ce soit les low cost ou les compagnies du Golfe ou asiatiques, sont capables d'aller très vite. Donc, de nous contourner. Chaque fois, ils ont été beaucoup plus vite que nous ne l'imaginions. Si nous n'accélérons pas le rythme, si nous ne sommes pas plus rapides, plus agiles, plus flexibles, la suite va vraiment être plus compliquée.
Ne remettons pas en cause tous les acquis que nous avons obtenus depuis 80 ou 95 ans sur les deux compagnies et que depuis 10 ans, nous avons remis au meilleur niveau.
Contact email : aldejuniac1@airfranceklm.com
Résumé du débat
M. CADOREL.- Depuis votre arrivée dans le Groupe, qu'est-ce qui vous a le plus frappé favorablement et le plus gros défaut ?
M. DE JUNIAC.- Il y a deux grandes qualités et deux grands défauts dans les deux maisons. La première qualité, c'est l'engagement du personnel. La seconde qualité des deux maisons, c'est que ce sont des maisons carrées. C'est rigoureux. C'est typique de l'aérien.
La première faiblesse, c'est notre trop grande lenteur, en raison notamment de l''exigence de sécurité tellement forte. Il faut aller plus vite.
La seconde faiblesse, c'est que nous ne sommes pas assez centrés "client". Il faut qu'il y ait des clients ! Cela doit devenir obsessionnel chez nous.
QUESTION.- Vous évoquez une meilleure compétitivité à partir de 2015. Jusqu'à présent, schématiquement, KLM avait des meilleurs résultats qu'Air France. Les résultats du premier trimestre semblent montrer une petite inversion de tendance. Quelle est votre opinion sur le sujet ?
M. DE JUNIAC.- La vraie inversion de tendance dans les résultats du premier trimestre, c'est que KLM n'a pas fait le budget, contrairement à ce qu'elle nous avait habitués à faire. Il faut regarder le contrôle de certains coûts. Chez Air France aussi. Comme Air France était plus chère que KLM, le contrôle des coûts a été assez strict. Il a peut-être été un peu moins strict à KLM. Donc, cela s'est vu, là. Je n'ai pas de doute qu'on est en train de prendre des mesures pour corriger cela. La véritable inversion, ce n'est pas qu'il y en ait un meilleur que l'autre ou que la bascule a changé, c'est que KLM n'a pas fait le budget. Mais quand je suis arrivée, personne ne faisait le budget !
QUESTION.- C'est vrai qu'en termes de coûts, les résultats sont bons. En termes de recette unitaire, il peut y avoir des inquiétudes, puisque le budget est surtout basé là-dessus.
M. DE JUNIAC.- Sur la recette unitaire, nous souffrons quand même de l'économie très atone de la zone Euro, y compris en Europe du Nord et en Europe du Sud. Nous ne sommes pas en récession mais nous ne sommes pas revenus dans la croissance. Heureusement que l'on a l'intercontinental qui tire un peu, que ce soit l'Asie ou l'Amérique.
Et j'ai deux points d'inquiétude sur la recette unitaire. Premièrement, dès qu'une zone du monde va bien, il y a des excès de capacité qui arrivent. (Exemple : l'Amérique du Nord).
Deuxièmement, je veux que l'on regarde bien partout à Air France et à KLM, peut-être encore plus à Air France, les questions de pricing. Nous sommes très hauts, et notre capacité à monter reste faible.
QUESTION.- Concernant Transavia, vous n'avez à aucun moment évoqué des possibilités de rapprochement entre Transavia Hollande et Transavia France.
M. DE JUNIAC.- J'ai parlé avec enthousiasme de Transavia, comme d'un ensemble. Je conviens que ce n'est pas totalement le cas !
QUESTION.- Le développement de Transavia, tel que vous l'avez annoncé, est-il toujours envisagé avec un seul type d'avion, c'est-à-dire du 737, alors qu'on a quelques transferts actuellement ?
M. DE JUNIAC.- La réponse est oui. Si nous mettons deux A320 à l'été, c'est temporaire et cela s'arrête en décembre. Si on veut faire Transavia, faisons-le bien. Et à mon avis, faisons-le ensemble, Hollande et France. Il faut en faire une paneuropéenne. De plus, on sait très bien que, dans ce domaine, le nombre d'avions et la taille est essentielle à la baisse des coûts. Je crois qu'il ne faut pas se poser de questions, il faut aller vite. Au contraire, il faut aller vite.
QUESTION.- Vous avez évoqué la possibilité d'envisager un pacte social sur le long-courrier pour essayer d'atteindre une croissance plus élevée.
M. DE JUNIAC.- Cela vaut aussi sur le court et moyen-courrier. Mais sur le long-courrier, le point est très sensible, parce que les calculs montrent qu'à coûts post-Transform inchangés, on ne peut pas croître plus de 1,5 %, 2 % au maximum. Je me dis que c'est quand même dommage quand le trafic aérien fait +5 %.
A mon avis, il faut réfléchir aux conditions de notre pacte social en matière de conditions de travail, de productivité, de façon de travailler pour que nos nouvelles lignes long-courrier ne perdent pas de l'argent à chaque fois.
QUESTION.- Vous avez dit "quand on se met au boulot, on y arrive". Qu'est-ce que cela veut dire au niveau de l'organisation et d'Air France-KLM ? On arrive à quoi dans votre vision qui ferait le pendant moyen de la stratégie commerciale et industrielle ?
Vous avez aussi dit "aller plus vite". Comment aller plus vite dans ce rapprochement ou en tout cas dans la mise en œuvre de votre vision de l'organisation du groupe Air France-KLM ?
M. DE JUNIAC.- Cela veut dire que dans ce qui va succéder au plan Transform, il y aura un volet développement, il y aura aussi un volet efficacité économique/productivité.
Côté organisation, je pense que les deux compagnies ont mis en commun un certain nombre de choses. Il faut que cela tourne et que cela avance.
Je voudrais que tout le monde soit convaincu que personne ne veut manger l'autre. Je voudrais que nous accélérions l'organisation dite next face of the Group, qui vous a été présentée par Wim, ce matin, je crois. S'il y a un endroit où cela ne marche pas, on changera. S'il y a une certitude, c'est que dans 5 ans, nous n'aurons pas la même organisation qu'aujourd'hui, parce que le monde aura changé. J'espère que nous ne mettrons pas 3 ou 4 ans à la mettre en œuvre. Nos concurrents sont très rapides. Donc, accélérons. Nous sommes animés de bonnes intentions. Le groupe Air France-KLM n'est pas là pour manger ni Air France, ni KLM. Air France-KLM est là pour manger Etihad ou Singapour Airlines. Ou easyJet !
QUESTION.- Vous annoncez une réduction supplémentaire des capacités cargo. Actuellement, nous sommes sur 10 coques de trois types différents. Doit-on envisager carrément la disparition d'un des types de coque ?
M. DE JUNIAC.- Je pense que s'il faut réduire encore les coques, il faudra tomber à deux types de coque.
QUESTION.- Réduire CDG qui est déjà à deux, cela va être difficile.
M. DE JUNIAC.- A CDG, la réduction est pratiquement programmée pour le deuxième semestre 2015. La question est sur Schiphol : 8 ou moins et par quel moyen. Toutes les options sont sur la table.
QUESTION.- Rien n'avance sans financement. D'où viendront les fonds ?
M. DE JUNIAC.- C'est une très bonne question. Premièrement, de la reprise de nos performances financières. Et, en cas d'une acquisition supplémentaire ou de très gros investissements, il nous faudra aller sur le marché pour une augmentation de capital.
QUESTION.- Merci, Monsieur le Président. Je voudrais revenir au thème du séminaire "comment mieux travailler ensemble". Ce matin, on a évoqué quelques idées, notamment une inversion de nos présidents Air France et KLM. Est-ce quelque chose que l'on peut faire ?
Il y a une différence culturelle entre les Deutsch et les Français. Les Hollandais travaillent beaucoup dans le consensus ; les Français, plus dans l'affrontement. Peut-on imaginer que l'on évolue vers ce consensus en France ? Est-ce que ce travail ne devrait pas, pour des raisons politiques et d'organisation des états, se faire en commun, tout le monde, Direction, salariés ? On a un peu l'impression que tout cela se règle dans les cabinets ministériels.
M. DE JUNIAC.- Non. Je ne sais pas s'il faut commencer par les présidents, en revanche par le n 1 ou le n 2, oui. Je pense qu'il faut échanger les gens, les pilotes par exemple. Je suis extrêmement attristé qu'au Comex d'Air France et au Comex de KLM, il n'y ait respectivement ni Hollandais, ni Français.
QUESTION.- Comment combattre ensemble dans le consensus comme les Hollandais, face à la menace extérieure ?
M. DE JUNIAC.- Je trouve que quand KLM et Air France travaillent ensemble, elles travaillent pas mal, grâce aux les qualités respectives des Français et des Hollandais.
QUESTION.- Comment peuvent travailler la Direction et les salariés ou les syndicats, en commun face à la menace extérieure, qui est peut-être politique, organisationnelle de l'Europe ?
M. DE JUNIAC.- Quand je vous parle de pacte social, c'est cela. Comment réfléchir ensemble, les Français, les Hollandais, la Direction et les salariés, aux conditions de travail des différentes catégories de la maison, pour résister à la compétition d'en face pour ouvrir des lignes rentables ? J'ai des idées mais je n'ai pas d'idées, tout seul. Je pense que les représentants des organisations syndicales qui sont ici ont au moins autant d'idées que moi et autant de légitimité pour les exprimer, que ce soit Air France ou KLM. Je suis prêt à ouvrir quelque chose là-dessus assez vite.
QUESTION.- Je représente l'organisation des techniciens aéronautiques au sein de KLM. Aujourd'hui, nous sommes très préoccupés, parce que la maintenance aéronautique est très fortement externalisée vers d'autres pays. Pourriez-vous nous donner votre vision de notre avenir dans notre domaine ?
M. DE JUNIAC.- Je vous ai dit, lorsque j'ai parlé de l'activité maintenance et de son avenir, qu'il y avait deux secteurs qui sont profitables et en croissance : les équipements et les moteurs. Mais pour les cellules, notamment, nous sommes en dehors du marché en termes de compétitivité. Nos coûts du travail ou nos taux de coût du travail sont de l'ordre de 2,5 fois au-dessus du taux du marché. Donc, notre situation compétitive est très défavorable.
À l'inverse, je vous ai dit également que nous devions maintenir une base de compétences en interne, afin de réaliser ces tâches et ces processus par nos propres moyens et ne pas être dépendants de prestataires, de fournisseurs. À l'avenir, il y aura un équilibre entre les fournisseurs externes auprès desquels nous externaliserons une partie de nos avions et des compétences internes que nous devons conserver pour nous assurer que nous serons en capacité de conserver, d'un point de vue économique et de sécurité, notre flotte dans des conditions de capacité satisfaisante.
QUESTION.- Vous avez parlé des coûts de main d'œuvre qui sont trop importantes. On parle de 180€, 200€ heure. Nous avons fourni une forte productivité avec Transform, ce qui a permis de réduire le budget horaire global. Donc, nous espérons que cette initiative sera suffisante pour maintenir les effectifs au sein d'Air France-KLM.
M. DE JUNIAC.- Je reconnais l'importance des efforts qui ont été engagés mais l'écart reste énorme. Il faut bien le comprendre. Avoir un prix qui est deux fois supérieur à celui du marché ne nous permet pas de développer notre position. Nous pouvons la maintenir dans une certaine mesure mais nous ne pouvons pas la développer au même rythme, au même niveau que nous le réalisons dans les deux autres segments de l'activité maintenance.
QUESTION.- Sur le pacte social, il y a eu des efforts de faits du côté des syndicats avec Transform, notamment chez Air France. Nous sommes tous convaincus aujourd'hui que Transform va aller à son terme, que tous les projets qui ont été planifiés dans Transform seront terminés dans peu de temps. Par contre, nous ne sommes pas persuadés que tous les projets qui seront terminés porteront leurs fruits. Si vous voulez un pacte social, de notre point de vue, il faut avoir une connaissance de l'efficacité de l'intégralité des projets qui sont menés, parce que nous avons des doutes.
M. DE JUNIAC.- Non, je ne vous suis pas. C'est une raison pour ne pas avancer que de vouloir connaître le détail jusqu'au huitième chiffre après la virgule. J'ai tout le temps ce type de remarque.
QUESTION.- Ce n'est pas la huitième décimale qui m'intéresse. C'est le premier chiffre significatif, parce que c'est à ce niveau que cela se passe sur certains projets. Il y a des sujets qui n'ont pas été pérennisés alors qu'ils devaient l'être au mois de juin.
Nous avons essayé d'apporter notre pierre au pacte social que vous préconisez. Pensez-vous que tous les efforts qui ont été faits côté Air France permettront à la compagnie de rattraper KLM en termes de résultat ? Si ce n'est pas le cas, ne pensez-vous pas que cela pourrait être un obstacle au rapprochement des compagnies à l'efficacité et à la rapidité que vous souhaitez ?
M. DE JUNIAC.- Non, je ne crois pas que cela va être un obstacle. Est-ce que la différence de résultat entre les deux maisons est de nature à compromettre leur bonne marche ? J'espère que non. Je ne trouve pas que cela a été le cas jusque là.
Je voudrais rassurer tout le monde. Ne pensez pas que la marque Air France ou la marque KLM va disparaître. Nous avons la chance d'avoir deux marques de niveau mondial. Faire disparaître l'une des deux marques, il faudrait être fou à lier. Je ne pense pas que la différence de résultat ait empêché les deux maisons de coopérer.
QUESTION.- Sur le passage, vous avez effleuré le sujet du partenariat avec Etihad. Je sais que l'on souhaiterait monter une joint-venture avec eux mais est-ce le but ultime ou y a-t-il à l'étude d'autres formes de partenariat plus intégrées ?
M. DE JUNIAC.- Il n'y a rien à l'étude. C'est pour l'instant le but ultime.
QUESTION.- Quid du partenariat avec Air Berlin qui sommeille ?
M. DE JUNIAC.- Nous avons essayé de faire des codes-shares. Nous en avons été empêchés par Skyteam. Nous avons assoupli les conditions de conclusion de ces partenariats. Maintenant, nous pouvons le faire. Si nous n'avançons pas, c'est plutôt du fait d'Air Berlin.
QUESTION.- Sur le cargo, serait-il envisagé une forme de partenariat avec un prestataire du métier pour la flotte tout cargo, qui consisterait à ce que les coques soient neutres et qu'elles puissent alimenter indifféremment les deux hubs ?
M. DE JUNIAC.- Une des options sur la table, c'est de regarder s'il ne faudrait pas passer un partenariat avec un opérateur cargo. Il ne faut rien s'interdire dans ce domaine.
QUESTION Pour les équipements et les moteurs, un partenariat stratégique, éventuellement avec une participation capitalistique, permettrait-il de s'établir de manière assez forte sur un autre continent afin de pouvoir traiter les équipements et les moteurs ? Envisage-t-on de traiter les réacteurs d'Air China en Chine ? On ne va pas les transporter jusqu'en Europe.
M. DE JUNIAC.- Si. Les gros moteurs d'Air China sont testés et démontés, ici. Il faudra simplement faire une partie du travail sur place, parce que le client va nous le demander.
QUESTION.- Dans sa téléconférence, la semaine dernière, M. Riolacci a parlé de nécessité de restructuration au niveau de l'informatique et des sièges sociaux. Pourriez-vous nous en dire plus ?
M. DE JUNIAC.- Nécessité au niveau de l'informatique ? Je suis plus surpris.
Au niveau des sièges sociaux, nous avons des fonctions qui sont dupliquées au niveau d'Air France et de KLM. Je ne suis pas sûr que ce soit toujours indispensable. Il y a quelques fonctions sur lesquelles nous pouvons nous poser la question. Cela ne veut pas dire qu'il faut tout rapatrier à Air France-KLM. Il faut peut-être spécialiser une des équipes dans un domaine et l'autre, dans un autre secteur.
QUESTION.- Vous nous avez dit que Transform produisait des résultats mais qu'il allait falloir continuer les efforts.
Comment va-t-on faire pour se battre avec des gens qui ne jouent pas avec les mêmes règles du jeu que nous ? Le management d'Air France-KLM va-t-il être hyperactif, proactif dans le combat que l'on vient d'engager sur la compétition déloyale ? Va-t-il exercer une pression sur le gouvernement français ou sur le gouvernement européen pour que cessent les pratiques de pavillon de complaisance (Norwegian Air Shuttle) ? Va-t-on mettre un terme à ces pratiques ?
M. DE JUNIAC.- Nous ne sommes peut-être pas assez « vocaux » mais nous mettons une forte pression à la fois sur l'Europe et sur le gouvernement français, avec des succès pas si mauvais que cela.
QUESTION.- Nous avons un sujet avec ADP. Nous avons beaucoup de sujets franco-français et nous avons des sujets européens.
M. DE JUNIAC.- KLM s'empoigne avec Schiphol, comme nous nous empoignons avec CDG. C'est le grand classique.
Je pense que nous avons fait pas mal d'efforts sur les questions de level playing field, notamment avec les compagnies du Golfe, puisque les Européens ont lancé des enquêtes. Les choses sont un peu moins faciles. On l'a fait discrètement, c'est vrai. Nous n'avons pas été très vocaux là-dessus.
QUESTION.- Donnez-moi une seule bonne raison pour que nous puissions adhérer à la stratégie développée en toute confiance, sans se rappeler de ce que l'on nous a dit par le passé qui ne s'est pas avéré exact ?
M. DE JUNIAC.- J'ai deux bonnes raisons, en fait. Premièrement, nous ne nions pas la menace.
Deuxièmement, face à cette concurrence extrêmement dure, il faut continuer à être très vigilants sur la productivité, les efforts, l'efficacité mais faire une qualité totale, sinon, nous n'avons aucune chance. Or, la qualité totale nécessite une discipline d'acier et énormément de travail de la part de tout le monde, tout le temps, parfait.
QUESTION.- Donc, la ponctualité peut être une des rigueurs d'excellence.
M. DE JUNIAC.- Oui. KLM est la meilleure d'Europe avec Alitalia. Air France s'est améliorée.
QUESTION.- Vous nous dites qu'il faut aller vite. Pouvez-vous nous dire dans quels domaines et nous donner une indication sur les 4 ou 5 des points sur lesquels vous pensez qu'il faut aller vite ?
M. DE JUNIAC.- Sans ordre d'importance : premièrement, Transavia, des deux côtés.
Deuxièmement, le renforcement la qualité de notre produit, notamment en retravaillant notre flotte des deux côtés. Je pense que là encore, nous sommes trop lents. Il faut aller très vite.
Troisièmement, la qualité de notre informatique. Je pense notamment aux technologies numériques, à l'usage de nos clients. C'est absolument critique. Je pense qu'il va falloir renforcer le niveau de service chez FlyingBlue, qui est sous-utilisé, aujourd'hui.
Quatrièmement, je pense que le pacte social doit être débattu et conclu rapidement.
Cinquièmement, j'aimerais également pouvoir ouvrir des long-courriers, de nouvelles lignes plus rapidement, de façon rentable, sinon c'est Etihad, Qatar ou Emirates qui le feront plus vite que nous.