Résumé de l'intervention
M. GAGEY.- Bonjour. Je vais parler un peu avec vous d'Air France-KLM, des conditions d'un rapprochement, de ce qu'il faut que l'on fasse, en quelques éléments : choc culturel ; alliance de l'émulation et de la confiance ; acquis bien au-delà de ce que tout le monde pense en interne et à l'extérieur ; aller plus loin impérativement.
Le premier point qui est à l'origine de notre présence, ici, aujourd'hui, c'est que la consolidation dans un secteur comme le nôtre est évidemment la seule clé possible pour essayer de faire pièce de la malédiction du transport aérien qui veut qu'il ne gagne jamais d'argent.
Notre industrie, jusqu'à il n'y a pas très longtemps, était bloquée dans son processus de consolidation, parce que le politique s'efforçait de maintenir une présence de transport aérien dans chaque pays, contrairement aux autres industries comme l'automobile, la construction d'avions, les aéroports ou le catering.
Nous avons aujourd'hui, dans cette salle, les deux compagnies qui ont le plus innové en matière de consolidation ; la prime revenant à KLM pour la création du projet totalement original de joint-venture avec Northwest.
La seconde étape que, par souci d'équilibre, je vais l'attribuer à Air France, a été la recherche obstinée de Jean-Cyril Spinetta, de trouver un moyen d'ouvrir le champ de la consolidation en Europe. Les décisions historiques de l'alliance joint-venture Northwest/KLM et, quelques années plus tard, du mariage entre nos deux compagnies, ont constitué au regard du transport aérien mondial deux révolutions.
L'enjeu de tout cela, c'est de poursuivre une histoire qui aura changé en profondeur le transport aérien européen et mondial, car la joint-venture Northwest/KLM aura ensuite servi de modèle à beaucoup, y compris chez Air France-KLM. Il s'agit d'essayer de mettre ensemble et de consolider de manière indirecte le transport aérien sur certains segments ou certains marchés extrêmement importants.
Par définition, ce genre d'opération, lorsqu'elle se traduit par un rapprochement entre deux sociétés, doit être considéré, comme un choc culturel. Ce choc culturel tient beaucoup plus à l'appartenance à un clan qu'aux caractéristiques du clan lui-même. Cependant, l'altérité est plutôt créée par la distance. Le choc culturel n'est donc pas lié à nos différences culturelles, mais au sentiment que l'autre est extrêmement différent, car par définition l'autre, surtout quand il est loin, est un problème.
Après le choc culturel, il faut passer de l'émulation à la confiance. Par nature, le contact avec l'autre est source de ces deux items. L'émulation jaillit en premier mais elle ne doit pas être un obstacle à la confiance. Confiance et émulation sont vraiment deux mots qui doivent nous guider.
Oui, l'émulation est bonne. De la comparaison naît l'amélioration, la discussion et peu à peu, le progrès. Il n'y a pas de honte à utiliser l'émulation comme un vecteur pour s'améliorer. En même temps, quand l'émulation casse la confiance, quand on se dit qu'on est tellement meilleur qu'eux qu'on ne leur fait plus confiance du tout, on passe dans quelque chose qui risque de devenir négatif.
Finalement, le début de la réussite, c'est quand même bien quand on a une confiance absolue dans son partenaire.
C'est à ce moment-là, je crois, que l'émulation a perdu son aspect destructeur, pour céder place à la confiance et dans la confiance, commence à venir le partage de responsabilités.
J'en viens à mon troisième point : je pense que l'acquis est bien au-delà de ce que nous pensons nous-mêmes en interne et de ce que pense le monde extérieur. C'est valable pour les échanges industriels entre les deux compagnies, pour les forces de vente, pour les opérations commerciales liées à la maintenance ou au cargo.
Nous avançons, je crois, parfois un peu lentement. Nous aurions pu réduire de quelques années, quelques trimestres, la durée sur laquelle nous avons développé nos projets.
Au total, nous ne devons pas avoir honte de ce que nous avons fait. Il faut aller plus vite. Il y a encore des éléments symboliques qu'il faudrait faire tomber, parce qu'ils donnent parfois une image un peu fausse et parfois un peu trop négative de ce que nous réalisons.
Deuxièmement, ce que nous avons fait, je crois, va bien au-delà de la perception que nous en avons et de ce qu'en a le monde extérieur. Cette dissymétrie entre la perception et l'effectivité de ce que nous avons réalisé me paraît quelque chose que nous devons gérer en termes de communication.
Dernier point : il faut bien sûr aller plus loin dans le changement, même si parfois, il est créateur de stress. L'ultra protection du salarié, notamment lorsqu'il s'agit de le faire accompagner un mouvement, ne me paraît quelque chose de très positif. On sait que dans chacun des cas en général, quand le projet est mis à bien et se termine dans de bonnes conditions, les salariés ressentent une fierté d'avoir été associés à ce genre de mouvement. Cette occasion de vivre une vie professionnelle intense qui amène à vivre ce type de changement est une chance.
Ceci demande tact, respect des personnes et préparation des sujets. Je pense que permettre à des salariés de vivre ce genre d'expérience est une chance pour eux, A nous, notamment management, de ne pas la gâcher en gérant de manière correcte ces changements.
Il faut aller plus loin, parce qu'une fois que l'on a géré cette réticence au changement, on sait bien que du changement vient la création de quelque chose que je ne réduirais pas qu'à la création de valeur.
Tout ceci me paraît à la fois créateur de fierté et de bien-être pour nos salariés et je crois qu'in fine, c'est quand même cette façon de faire bouger nos organisations qui les mènera sur la route du succès.
Même si nous avons tous, une première réticence mentale face au changement, je crois que ce changement, surtout dans le cadre aussi créatif et enthousiasmant de la fusion Air France-KLM, ne doit pas nous faire peur.
Il est impératif d'aller de l'avant. C'est de là que viendront :
• La simplicité, la clarté dans ce que nous faisons ;
• L'efficacité de nos processus ;
• L'amélioration de notre image vis-à-vis de nos clients.
• Le positionnement futur d'Air France-KLM sur l'échiquier très compliqué, très compétitif, extrêmement difficile à gérer du transport aérien mondial, qui demande à tous et à chacun, chaque jour, un engagement absolu, total.
Je sais que nous pouvons tous compter sur nos collègues, qui travaillent avec nous, au jour le jour, pour mener cela à bien.
Contact email : frgagey@airfrance.fr
Résumé du débat
QUESTION.- Installer le Groupe à Altaï était un symbole extrêmement fort et compréhensible. On savait qu'il y avait une unité dans le Groupe. Le fait de revenir en arrière sur cette décision, est pour moi un signe d'échec. Je pense qu'il faut arriver à reconstruire ce symbole d'une manière ou d'une autre.
M. GAGEY.- Je reconnais la nécessité d'avoir des symboles. Cependant, aujourd'hui, la notion de lieu et de symbole me paraît un peu dépassée. L'idée de l'attachement du lieu de pouvoir, c'est encore vrai, quand vous allez à l'Elysée ou à l'Assemblée Nationale mais dans les entreprises, c'est un peu en passe de disparaître. Nous sommes dans un monde où si symbole il y a, ce n'est pas forcément un symbole en béton.
Par contre, il y a des signes. Il y a des prises de parole qui, elles, sont empreintes de symboles et ceux-là sont majeurs. Je ne suis pas en train de dire que nous sommes dans un monde où tout a disparu, où il n'y a plus ni symbole, ni hiérarchie. Je reste très attaché à ce genre de choses, qui sont des éléments majeurs mais ce n'est plus la taille du bureau. Cela passe par d'autres symboles, d'autres éléments qui sont plus riches.
QUESTION.- Vous avez fait allusion, il y a quelques minutes à l'émulation et à la comparaison. J'avais envie de proposer aux deux côtés de la salle, aussi bien à nos dirigeants qu'à mes collègues syndicaux, qu'on puisse travailler sur une comparaison entre nos deux entreprises et qu'on puisse la partager. C'est une réflexion émise au sein du CCE d'Air France
M. GAGEY.- Cela n'appelle pas de commentaire de ma part.
QUESTION.- Jusqu'à quand, dans le phénomène d'intégration, pourrons-nous maintenir vraiment deux compagnies ? Autant, je pense qu'au niveau dirigeant, on peut avoir ce sentiment partagé de faire partie d'un groupe, autant sur le terrain, je pense que cela va être plus long et plus difficile d'avoir ce sentiment d'appartenir à un seul et même groupe en maintenant toujours deux compagnies de façon relativement distincte.
M. GAGEY.- KLM est le troisième employeur privé des Pays-Bas. Air France, en région parisienne, est le premier employeur privé. Ce sont des centaines de milliers d'emplois indirects quand on prend le Groupe dans son ensemble. On le fera comme on voudra, mais il restera deux « monstres », car les deux entreprises sont des compagnies énormes. L'idée que ces deux compagnies puissent disparaître, me paraît être une idée fausse.
Maintenant, que, par rapport à certains problèmes ou par rapport à certains intervenants extérieurs, elles puissent parler à l'unisson et qu'elles puissent, par subsidiarité, confier le soin à quelqu'un d'autre de parler en leur nom propre dans certains éléments commerciaux et autres, ne me pose aucun problème.
Il y a des éléments qui ne sont pas cruciaux qui peuvent, effectivement, être gérés ensemble. Il y a des éléments stratégiques pour lesquels il est très important que le Groupe parle d'une seule voix. Cependant, il y a encore un énorme travail qui consiste à prendre soin des salariés, à gérer les opérations où nous sommes plutôt séparés. Il y a des rencontres avec des politiques qui ne sont pas tout à fait les mêmes d'un pays à l'autre. Voilà toute une longue liste des sujets qui resteront, à mon sens, du domaine des compagnies. Par contre, chaque fois que je vois la disparition d'une redondance, je me dis que nous sommes quand même plus efficaces. Une fois qu'on créé l'émulation, il ne faut plus avoir de crainte, il faut avoir confiance.
QUESTION.- Nous nous demandions, en termes syndicaux, à quel moment nous allons pouvoir avancer plus loin. Il y a quelque petites étapes qui apparaissent mais on est toujours ou KLM ou Air France et la majorité des salariés n'a pas le sentiment d'appartenir au Groupe. Chacun est dans sa compagnie. Comment pourrait-on avancer pour qu'à un moment, cela disparaisse ?
A la limite, ne pourrions-nous pas inverser les postes de président ? Camiel Eurlings, président d'Air France et vous, président de KLM ?
M. GAGEY.- Je serais absolument incapable de faire ce que Camiel réalise aux Pays-Bas !
D'abord ne sous-estimez pas ce que nous avons fait. Vous avez déjà beaucoup avancé.
Ensuite, il y a sûrement de nombreuses choses à faire encore et c'est bien normal. Je crois que nous resterons Air France ou nous resterons KLM, qui sont deux composantes d'un Groupe très unifié, qui aura de plus en plus de rôles à jouer par rapport aux compagnies Air France et KLM. Quand je plaide pour travailler ensemble, pour la confiance, pour aller plus loin, je ne plaide pas pour la disparition culturelle. Je crois que ce genre de choses doit se faire également dans le respect de l'altérité. Soyons fiers de nos différences, mais qu'elles ne soient pas des obstacles à tout ce que je viens de dire.
Je pense qu'il faut rester Français ou Hollandais, parce que cela fait partie de notre histoire, de nos richesses individuelles. Il est hors de question de perdre tout cela. Ce serait dommage. Pour autant, je ne vois absolument pas ce maintien de la différence comme un obstacle à aller plus loin.
QUESTION.- Quel serait le grand projet à venir ? Y a-t-il un grand projet ou progressons-nous juste, d'étape en étape, un peu comme l'Europe qui avance tout doucement, avec le sentiment qu'il n'y a pas d'objectif final ?
M. GAGEY.- Les grands projets à venir, je pense qu'il y en a. Le Brésil, avec le rapprochement avec GOL, par exemple. Nous verrons comment finira l'histoire avec Alitalia. Quelle que soit la façon dont elle se termine, ce sera la "fin" d'un grand mouvement de consolidation au sein de l'Europe. Je crois que le vrai débat d'Air France-KLM des années qui viennent va être de continuer sa projection vers le reste du monde (Inde, Chine, Afrique), hors d'Europe.
QUESTION.- En nous comparant à l'Europe, fallait-il d'abord consolider l'Europe à 12, à 15, avant de s'élargir à 28 ? Fallait-il faire entrer la Croatie, la Bulgarie avant que les problèmes soient réglés entre les pays historiques ?
À la signature du framework, en 2004, il y a trois séries de garanties de 4 ans, qui s'arrêtent donc en 2016. Que se passe-t-il en 2016 ? Quelles peuvent être les conséquences ? Qui renégocie ?
M. GAGEY.- Certaines de ces garanties étaient de portée symbolique forte mais de contenu pratique relativement limité.
Ensuite, la garantie ne vaut que de la manière dont elle est mise en œuvre. Pour ce que je sais, la mise en œuvre des garanties, telles qu'elles ont été signées dans le framework, ne nous pose, aujourd'hui, rigoureusement aucun problème. Certaines avaient, à une époque, plus de sens ou plus de portée pratique. Aujourd'hui, il y en a bien peu qui représentent des contraintes effectives. S'il faut les regarder, on les regardera normalement.
M. EURLINGS.- Je me souviens qu'il y a quelques années, une grosse partie du volet des garanties, est arrivé à échéance. En fait, c'est le Groupe Air France-KLM, qui a volontairement proposé de prolonger une partie de ces garanties. C'était un signe de confiance qui reconnaît la valeur des deux hubs à Amsterdam et à CDG, qui engage les deux entreprises à continuer à investir.
Ce qui n'a pas été prolongé, c'est le nombre de destinations-clés. Si vous regardez la réalité, aujourd'hui, KLM a davantage de destinations. Il en va de même pour Air France, au bout du compte. Au final, les vraies garanties dont nous avons besoin sont des garanties de prospérité économique. Si nous ne continuons pas à améliorer notre performance financière, nous pouvons avoir toutes les meilleures garanties du monde, elles ne vaudraient rien.
Nous formons un Groupe. Nous étions au Brésil ensemble. Nous avons lutté ensemble. Nous étions là lors des vols inauguraux d'Air France. C'est de cet esprit-là que nous avons besoin, tout en gardant l'identité néerlandaise d'un point de vue juridique, cela peut aider. Encore une fois, ce qui est important, ce sont les fondamentaux économiques.
QUESTION.- Bonjour. Merci, messieurs les présidents pour vos présentations. J'ai entendu des choses qui m'interpellent et qui me plaisent bien : l'émulation, la confiance, ne pas regarder en arrière et aller de l'avant. Il y a une petite chose qui permettrait d'aller plus rapidement de l'avant, si elle avait été mieux prise en considération au sein d'Air France : l'apprentissage de l'anglais. Il aurait même fallu commencer par cela, c'est que ce soit mieux pris en considération.
L'avenir, c'est d'avancer ensemble, grandir. Cela passe par la communication et je pense qu'il est grand temps qu'un véritable projet d'apprentissage de langue étrangère, soit pris en considération pour qu'une véritable osmose se passe.
M. GAGEY.- Aucun problème. J'espère que si quelqu'un de très motivé apprend l'anglais, il a quelques soutiens de la part de sa hiérarchie. Si ce n'est pas le cas, c'est ennuyeux.
QUESTION.- Je pense qu'il est important que nos collègues Air France et KLM connaissent OMNES. Peut-on assurer la promotion d'OMNES, de dire quel est son rôle et quels sont ses bénéfices ? S'il y a une possibilité pour vous de le faire, je vous en serais reconnaissant. Le site Internet d'OMNES est toujours en français, aujourd'hui. Je pense qu'il serait très judicieux de le faire traduire notamment en anglais ou en néerlandais pour nos collègues néerlandais.
M. GAGEY.- Je n'ai pas de problème pour cela. La question est plus pour Camiel que pour moi, si je peux me permettre.
M. EURLINGS.- Cela me paraît être une très bonne proposition. Il y a eu beaucoup d'enthousiasme, on le voit depuis ce matin. Je crois que chacun a envie de participer. C'est une tradition qui perdure. Je pense que cette tradition, je la fais perdurer aussi, puisque je suis là. Je suis tout à fait disposé à communiquer, en interne, à propos de cette réunion, de son importance.
Je suis d'accord avec vous : il serait utile d'avoir une version anglaise du site d'OMNES, pour donner plus d'information aux personnes qui désireront lire les informations sur ce séminaire et qui souhaitent en apprendre un peu plus.
Lors des années futures, je pense qu'OMNES jouera un rôle encore plus important. Donc, oui, nous communiquerons en interne et je propose que nous commencions à travailler sur la communication en anglais du site, également.