Résumé de l'intervention
Mme PAIRAULT-MEYZER.- Je vais vous présenter face à la situation d'aujourd'hui, un regard rétrospectif sur la période antérieure, quel était notre environnement, comment avons-nous réagi face aux obstacles rencontrés et quelle grille de lecture vous pouvez en faire.
Lorsque les magistrats examinent les plans de restructuration des entreprises en difficulté, ils recherchent le projet d'entreprise. Ils étudient le plan de sauvegarde de l'emploi, avec ses mesures structurelles et conjoncturelles. Ils regardent si les mesures proposées sont bien en adéquation avec le projet de l'entreprise, car c'est ce projet qui va expliciter les mesures. A ce moment-là, personne ne porte de jugement de valeur sur le projet industriel mais il faut qu'il y en ait un.
Or, même avec un Etat actionnaire à titre principal, présent au conseil d'administration et qui nomme le président du conseil d'administration, la difficulté à regarder la réalité, à anticiper et à s'adapter, existe toujours. Quelle est la capacité à parler vrai avec mesure?
Je vous propose de considérer les deux périodes suivantes :
De 1987 à 2004 - de « la concurrence civilisée à la concurrence tout court ». C'était aussi pour Air France le passage de l'entreprise publique à l'entreprise privée.
De 2004 à 2008 jusqu'en 2015 qui voit, de 2004 à 2008, une accélération du temps et de l'espace, la privatisation d'Air France et la création du groupe Air France-KLM, et la période 2008-2015, dont la dernière partie reste à construire.
• 1987 – 2004
Quel est le contexte en France et en Europe ?
➢L'apparition de l'acte unique européen en 1986.
➢L'ouverture à la concurrence et à la déréglementation tarifaire.
Quelle est la situation et la réaction d'Air France ? Cela veut dire la fin du monopole ; un Etat seul actionnaire ; 1989 est la dernière année bénéficiaire.
La période de 1990 à 1993 voit l'achat d'UTA, la guerre du Golfe, la vente du siège social de Montparnasse, le lease-back des avions et la vente des filiales Meridien et Jet Tours. Une quasi-faillite entraîne le plan Cap 93 pour "passer des tarifs de nos coûts aux coûts de nos tarifs", avec un premier plan de départ de 200 cadres et deux plans successifs.
Cependant, la conclusion s'impose : cela ne va rien changer. D'où la nécessité d'un plan global, de 1994 à 1997, qui passe par :
La reconstruction d'Air France, sous le contrôle de la Commission de Bruxelles, en raison de la recapitalisation et des réinvestissements nécessaires ;
Une réorganisation en profondeur sur la flotte, l'industrie, l'informatique, le cargo.
Le hub et le programme
Les mesures conjoncturelles, structurelles (gel des salaires, échange salaire/actions)
Un plan social entraînant 8 000 départs de personnel au sol
➢La fusion avec Air Inter pour terminer la concentration sur la France.
➢La période de 1997 à 2004 voit :
➢La préparation de la privatisation.
➢La recherche des alliances et la fusion avec KLM.
➢La poursuite des plans de départ pour le personnel au sol.
➢La pluralité des instances représentatives du personnel avec le groupe et KLM (Works Council, comité de groupe Air France, Comité de Groupe Européen, CCE).
• 2004 – 2008... 2015
Le contexte mondial connait une accélération du temps et de l'espace de par le ciel ouvert, une mondialisation totale des échanges et une financiarisation mondiale, l'émergence de nouveaux marchés où les clients sont à l'étranger, l'endettement des pays et la limite de l'union monétaire en Europe, le risque de limitation de la durée de vie des droits de trafic et une transparence de l'information via Internet.
Face à cela, la construction du groupe Air France-KLM est une réussite, même si les évolutions sont considérables avec l'adaptation des métiers et la suppression de 4 000 emplois entre 2007 et 2011. Le Groupe voit cependant la concurrence agressive des low cost augmenter en Europe, suivie de celle des compagnies du Golfe.
Il s'agit maintenant de se poser les questions suivantes :
➢Comment se prémunir ?
➢Quels sont les réflexes à avoir ?
➢Quel sera le modèle pour les prochaines années ?
➢Est-ce aussi évident que quand on a effectué la concentration en Europe ?
➢Quelles sont les pistes qui permettent de réfléchir et d'imaginer un autre modèle, puiqu'on sait qu'il doit être modifié ?
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Résumé du débat
M. BOUVET.- Mme Pairault-Meyzer disait : "En 1993, on a fini par se réorganiser et tout le monde a accepté cette réorganisation, parce qu'il y avait un projet". Ce qui est proposé aujourd'hui qui n'est qu'un plan d'économie peut-il se suffire à lui-même sans projet ?
M. Bamberger nous a dit : "vous êtes dans un modèle de compagnie eB qui doit évoluer face à des concurrents." Le président Spinetta a-t-il répondu à votre question dans sa proposition ?
Et M. Rochet nous a dit : "Vous avez un réseau régional qui est structurellement déficitaire." L'économie que l'on peut lancer va-t-elle permettre d'avoir l'équilibre sur le moyen-courrier ? Ce que l'on propose est-il suffisant ?
M. BAMBERGER.- Le modèle hub and spot sur de la correspondance long-courrier ou moyen-courrier, selon nous, est un modèle qui existe et qui va perdurer. C'est un modèle extrêmement fort mais qui doit être compétitif.
Sans doute qu'à la marge de ce modèle, au sein du groupe, il y a aussi du point-à-point moyen-courrier qui existe. Il y a un certain nombre d'autres réseaux qui existent et j'imagine que des questions peuvent se poser. La capacité avec le même outil de production de répondre à différentes exigences de différents modèles est toujours un exercice compliqué.
M. ROCHET.- Je ne nie pas la notion de hub. Je dis simplement qu'un hub, à un moment donné arrive à la quasi-saturation de la zone de chalandise qu'il peut gérer et où les organisations de hub bien qu'attractives doivent réagir face à la dérive des coûts au sol.
Par ailleurs, je n'ai pas du tout recommandé la sortie du moyen-courrier, au contraire. J'ai simplement dit trois choses.
Premièrement, pour la santé future d'Air France, pour ses emplois, pour ses personnels et même pour avoir une ambition, c'est un problème qui ne peut pas être repoussé indéfiniment. Il va falloir le traiter.
Deuxièmement, à l'exemple des compagnies américaines, il faut une refondation totale de la notion de service, de la notion de branding, de la notion de coût au sol, dans un tempo, dans un laps de temps donné, en n'hésitant pas à remettre à plat de nombreux sujets.
Troisièmement, je ne suis pas non plus convaincu qu'il faille rester sur l'ensemble du secteur moyen et court-courrier. On ne peut pas être partout présent sur ces micro-réseaux.
M. SPINETTA.- D'abord une remarque préliminaire, mais je pense que tout le monde l'a compris : il y a des sujets sur lesquels je ne peux pas m'exprimer aussi directement que je le souhaiterais, parce que mon rôle n'est plus le même.
Sur le moyen-courrier, Air France-KLM perd 700 millions d'euros en 2011, dont 530 millions à Air France. Il y a un problème du transport aérien régional qu'il faut traiter sérieusement mais on voit bien que l'essentiel des pertes, ce sont les pertes sur le réseau d'apport au hub de Roissy avec le réseau et les avions d'Air France.
Les pertes du réseau point à point domestique peuvent et doivent être effacées très rapidement. Orly est et restera l'aéroport des réseaux point à point domestiques français, plus quelques liaisons européennes également. C'est un atout structurel considérable pour le groupe Air France. Il n'y a vraiment aucune fatalité, je dirais même aucune raison, pour que notre réseau point à point au départ d'Orly ne soit pas bénéficiaire rapidement, grâce à quelques mesures à prendre.
L'objectif qui a été fixé au groupe par le conseil d'administration dans la restructuration du réseau court/moyen-courrier, c'est d'aboutir à un équilibre d'ici trois ans, 2014. Si cela peut être le cas avant, nous ne nous en priverons pas.
Il n'y a pas, dans ces domaines, de fatalité. Il ne faut pas vivre avec l'idée que l'on est en face d'une espèce de fatalité qui pèse sur nous, qu'il n'y a rien à faire.
Je pense que cet objectif de remettre ce réseau à l'équilibre est tout à fait atteignable.
Je crois que le modèle du hub reste tout à fait pertinent en veillant, bien sûr, aux coûts de traitement notamment au sol.
La logique du hub, en complétant un marché local par des réseaux d'apport, c'est :
➢La capacité d'opérer 5 à 6 fois plus de destinations long-courrier (fortement créateur d'emplois).
➢La capacité d'opérer avec des avions de taille importante et en conséquence de réduire fortement les coûts au siège et améliorer sa rentabilité.
Nous avons une centaine d'avions long-courrier à Air France. Quand on a 100 avions, les problèmes ne sont pas tout à fait les mêmes que quand on a une flotte plus restreinte. Chaque type d'avion sert pour des secteurs d'exploitation importants avec des économies qui en résultent.
Comme sur toutes les flottes, les rationalisations de flotte s'étalent sur 20 ou 30 ans. Donc, par définition, il y a des types d'avions qui se superposent mais je crois qu'un des grands atouts d'Air France, c'est la qualité de sa flotte, son efficacité énergétique et les coûts au siège qu'elle génère, notamment grâce à une flotte de 777-200 et 300 extrêmement importante et un avion de plus petite capacité, l'A330.
Une compagnie comme Air France, compte tenu de son modèle économique (Air France et KLM) d'une organisation en grandes plateformes de correspondances mondiales (Amsterdam et Paris), ne peut pas ne pas être présente fortement sur le court et le moyen-courrier.
À partir de là, la question est : sommes-nous capables de le faire dans des conditions de coûts qui ne viennent pas pénaliser l'ensemble de l'entreprise ? Si nous ne sommes pas capables de le faire, inévitablement, se poseront des questions que l'on peut exposer d'un point de vue théorique d'une manière tout à fait simple. Comme doit-on le faire ? Le faisons-nous, nous-mêmes à nos coûts actuels ? Ce n'est pas possible. En réduisant nos coûts ou si l'effort est trop difficile pour des raisons X, il faudra le faire à travers des partenariats.
Si nous sommes capables de réduire nos coûts internes, on voit bien que l'on est capable de ré-internaliser chez Air France un certain nombre d'activités.
Nous sommes obligés d'être présents sur ce secteur. À mes yeux, on ne peut pas quitter ce secteur du court/moyen-courrier. Nous devons y être présents de manière forte, comme nous le sommes aujourd'hui, peut-être un peu moins. On peut peut-être mieux utiliser nos avions, être plus productif mais en termes d'activité, cela doit rester quelque chose d'à peu près équivalent.
Donc, la question est : est-ce en interne, au travers des efforts de tous ? Ou si ce n'est pas possible, il faudra que ce soit fait par d'autres. C'est aussi simple que cela. Ou alors ce serait, pour l'entreprise Air France-KLM, un véritable drame économique.
Si on n'est pas capable de le faire en interne et on n'a pas le droit de le faire en externe, donc, on ne le fait plus et je ne sais pas où l'on va du point de vue du modèle économique et du point de vue de l'avenir de l'entreprise à court terme. Ce n'est même pas à moyen terme, c'est à court terme. C'est une exigence. Je ne vois pas comment on peut ne pas le faire.
Mme PAIRAULT-MEYZER.- Je suis persuadée qu'il y a beaucoup de scenarii et d'études dans tous les dossiers d'Air France, et qu'ils ont été utiles.
Au fond, nous savons tous qu'il y a des efforts à faire, qu'il va falloir les réaliser avec les organisations syndicales. J'ai compris l'ensemble des pistes que vous mettiez en avant et sur lesquelles les dirigeants d'Air France raisonnent. Mais, peut-être les choses ne sont peut-être pas aussi claires et connues de tout le monde.
Je pense que nous avons énormément changé par rapport à 1993. Aujourd'hui, il est difficile de distinguer les résultats du groupe Air France-KLM, de ceux de la société Air France.
L'ensemble des mesures auxquelles on fait appel en ce moment, vont plutôt concerner la société Air France. On sait bien qu'en termes d'emploi, il y a plusieurs variables. Je me demande si on n'aurait pas intérêt, comme vous le faites au milieu de votre discours, à identifier, ce qui est de l'avenir avec Air France-KLM, et ce qui concerne la part d'Air France dans ce projet.
Je ne sais pas s'il faut reparler du hub, de la flotte mais j'ai entendu parler du moyen-courrier. Comment l'envisager ? Quelles sont les mesures d'adaptation ?
Je pense que c'est toujours compliqué quand il y a des équipes qui travaillent d'un côté sur un projet et d'autres qui travaillent sur des mesures d'économies qui paraissent évidentes. Il faut bien le faire mais les deux ne se rejoignent pas nécessairement. Il y a une gestion du temps qui demeure délicate, quand on dissocie les deux équipes au même moment.
En termes de communication et de gestion du temps, ce sont bien les salariés et les organisations syndicales d'Air France qui sont concernés. Comment donc les mettre dans la perspective du groupe ?
M. SPINETTA.- Je n'ai peut-être pas suffisamment parlé du projet. Apparemment, Mme Pairault-Meyzer pense que je n'en ai pas du tout parlé. C'est un peu volontaire. Bien sûr qu'il y a un projet mais il y a une urgence. Je ne voudrais pas que les débats sur le projet nous détournent de l'urgence qui est celle de restaurer notre situation économique et financière. Il y a urgence là-dessus. La situation n'est pas grave mais elle est sérieuse.
Mme PAIRAULT-MEYZER.- Le pronostic vital est-il engagé ?
M. SPINETTA.- Non, mais si on ne fait rien, oui, il le sera très vite.
Quand on a investi en trois ans, 6,5 milliards, que l'on a généré un peu moins de 2 milliards d'autofinancement et que l'on s'est endetté de 4 milliards, si on continue une ou deux années de plus, cela devient gravissime. Il faudra arrêter les investissements.
LA priorité, c'est de restaurer la situation économique et financière du groupe Air France-KLM et notamment de la société Air France. Nous sommes dans une situation difficile.
Nous sommes scrutés par l'ensemble de la communauté financière qui regarde si on va faire ce qu'on a dit que l'on ferait, c'est-à-dire : réduire nos coûts de 10 % ; réduire notre endettement de 2 milliards en trois ans et restructurer notre réseau court/moyen-courrier qui pèse comme un fardeau sur l'ensemble du groupe. Voilà les trois engagements majeurs.
Il y a urgence à réduire nos coûts, à améliorer les choses et à le faire, je l'espère, de manière contractualisée avec l'ensemble des acteurs sociaux de l'entreprise. Il faut préserver l'emploi, la stabilité des choses et ré-offrir un avenir à tous, un avenir durable et stable.
Evitons les faux débats comme : "il n'y a qu'à augmenter la recette" ou "je ferai des efforts si les autres commencent à côté".
Disons-nous plutôt : "je vais commencer à faire des efforts, comme cela tout le monde suivra".
M. DUBOURG.- J'ai vu sur un transparent que le pétrole pouvait être à 120 dollars le baril. Je me projette au-delà de 150 dollars. Le transport aérien sera-t-il capable de faire face à ce genre de hausse du pétrole ?
M. ROCHET.- En préambule, compte tenu de ce que vient de dire le président Spinetta, Air France a les ressources pour trouver des solutions. La pression doit être mise sur le temps, sur la réalité des objectifs à atteindre et sur le langage de vérité.
Pour répondre à votre question, paradoxalement, je pense que si le cours du baril montait au-dessus de 150 dollars, cela poserait, certes, un problème majeur aux compagnies aériennes mais je ne suis pas sûr non plus que ce soit un handicap fatal. Il y a des niveaux où le transport aérien s'arrêterait ou n'existerait quasiment plus.
Premièrement, c'est une chance quand même "d'opportunité". Tout le monde sera traité de la même façon.
Deuxièmement, il y a quand même des avions à l'horizon 2016-2017 dont on sait qu'ils sont capables grosso modo de consommer 15 à 25 % de moins. C'est un avantage important.
Troisièmement, cela nous obligera à revoir considérablement le modèle de desserte. Ce sera sans doute une remise en cause profonde, lourde, notamment de tout ce que l'on a construit autour des fréquences.
M. BAMBERGER.- C'est plus le thème du rythme et de la variation que celui du niveau qui pose vraiment des problèmes forts.
M. ROBARDET.- (Deuxième INTERVENANT) On peut se poser la question de ce qui va se passer dans les prochaines semaines à Air France. S'il n'y a pas d'enjeu stratégique, comment les partenaires sociaux et les agents vont-ils pouvoir comprendre les mesures qui sont demandées à chacun ?
Je pense qu'on est loin de la transparence. Je ne suis pas sûr que l'entreprise (aussi bien les dirigeants que les salariés, que les organisations syndicales) soit prête à cette transparence qui serait, a priori, nécessaire. Je m'interroge sur la volonté réelle de l'entreprise d'y souscrire.
Comment les salariés demain vont-ils pouvoir comprendre ce qui se passe s'il n'y a pas la stratégie et s'il n'y a pas la base de départ ? On leur dit simplement qu'il va falloir faire des économies.
Si, nous élus au CCE ou représentants, nous ne percevons pas ce qu'il y a derrière tout cela, comment les agents vont-ils pouvoir le percevoir ? Il y a un réel effort à réaliser de mettre en accord de part et d'autre de la table, ce que l'on dit et ce que l'on fait.
Mme PAIRAULT-MEYZER.- C'est compliqué. Les élus du CCE ont l'information : comme elle est fournie en assemblée générale d'Air France-KLM. Celle de la société Air France reste confidentielle.
Il s'agit de se demander quel est le rôle de chacun. Les élus ont l'information. Les organisations syndicales ont l'information si elles veulent la trouver. Jusqu'où les organisations syndicales peuvent-elles aller ? Est-ce aux organisations syndicales à faire toute la communication vis-à-vis des salariés ? C'est une question. On sait que c'est difficile.
Si j'attends de mon président et des directions qu'elles regardent les choses en face, je vais vous dire la même chose à vous, organisations syndicales. Si ceux qui ont des responsabilités syndicales ne font pas ce qu'ils pensent profondément être devoir fait et s'ils se posent la seule question de leur réélection aux prochaines élections, ils ne vont pas y arriver car ils vont faire un grand écart qui va être très difficile à vivre.
On sait tous qu'il y a un problème sur les coûts. Il faut y travailler. Je pense que c'est quand même plus simple quand on tombe d'accord sur un projet. Cela ne fait pas perdre du temps, même si ce projet, quel qu'il soit, n'est effectivement pas à remettre en cause.
Question.- Ma préoccupation, c'est l'emploi. Or, on a perdu 12 800 emplois d'après un petit calcul.
Quand j'entends le président Spinetta dire "soit on fait quelque chose sur le moyen-courrier et on l'a bien compris, c'est réduire les salaires– soit, on va à l'extérieur", j'ai l'impression que l'on va à contre-courant de ce qui se passe dans la société, actuellement, avec le "made in France". Je réclame le "made in Air France".
Question.- Pensez-vous réellement qu'Air France s'en sorte avec tous ses salariés ou la véritable question est-elle de savoir comment on va pouvoir traiter les sureffectifs ?
M. ROCHET.- C'est la question de fond. Oui, j'ai la conviction fondamentale qu'Air France peut s'en sortir avec l'ensemble de ses personnels.
Premièrement, je pense que la notion de vérité et de responsabilité est fondamentale.
Sur le processus et sur ce que vous demandez qui est légitime, de protéger l'emploi, je pense qu'il y a deux priorités absolues.
➢Restaurer les équilibres financiers et tout ce qui se dit derrière en matière de besoin de refinancement des flottes, des besoins de croissance et autres. C'est l'exigence de l'environnement. Cette question est incontournable.
➢Le faire de la façon la moins douloureuse possible ou la plus accompagnée possible (demande légitime des représentants du personnel).
Dans la plupart des entreprises, ce sont des problèmes que l'on n'ose pas vraiment mettre sur la table.
Deuxièmement, l'entreprise a, aujourd'hui encore, des moyens financiers qui lui permettent d'accompagner des traitements corrects de certains cas individuels ou de certains cas de professions qui peuvent être mis en cause (exemple : les PN).
Troisièmement, là où je ne suis pas tout à fait en ligne avec vous, c'est sur le fait que les métiers doivent rester dans Air France sans être adepte pour autant à des solutions de sous-traitance à tout prix.
Néanmoins, tout le monde doit-il être dans la même structure sociale, dans les mêmes règles de fonctionnement, dans les mêmes habitudes, dans les mêmes poids hiérarchiques, voire dans les mêmes hiérarchies ? La question est posée.
Je n'ai pas dit que j'avais une réponse miraculeuse mais je ne suis pas sûr, pour prendre l'exemple du moyen-courrier (n'y voyez pas une solution, je n'ai pas les éléments pour le faire), que c'est forcément quelque chose qui doit s'appeler Air France.
Plus grave encore que le social : avoir les mêmes directeurs opérationnels qui coiffent l'ensemble. Je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure des réponses.
Vous avez des filiales très régionales. C'est sans doute là aussi le mauvais exemple : cela a été trop loin. Il y a sans doute une piste à creuser en regroupant les activités subrégionales. On ne parle pas du moyen-courrier. On est dans le régional/régional.
Ma réponse, c'est : adaptez-vous, sinon effectivement, les conséquences, contrairement à vos objectifs, seront plus dramatiques que cela mais sur l'ensemble de l'activité, il y a du boulot. Air France a encore des parts de marché à l'international qui lui permettent de faire de la croissance. Encore faut-il qu'elle sache s'adapter.
Vous avez des voies d'exploration, mettez-vous autour de la table.
C'est vrai que l'on a toujours une restriction à l'information, à la transparence. Je considère qu'il n'y a pas de solution idéale. Si l'on dit trop de choses, il est clair que c'est dans les médias dès le lendemain. Si on n'en dit pas assez, les gens doutent de votre capacité à faire passer les messages et à les faire comprendre.
La position que j'ai prise, c'est plutôt d'être assez franc et direct, de poser les vrais problèmes. Chacun est alors face à ses responsabilités.